Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16/05/2010

Interview : celle par qui La Pucelle passa le "premier tri" (2)

Ce soir, suite et fin de l'interview d'Edhelwen, la dame de l'ombre de l'édition...

 

Beorn : Tu étais seule pour effectuer ce travail de premier tri ?

Edhelw : Chaque stagiaire reprend le travail de son prédécesseur. Donc même si on est seul à une période donnée, les avis se succèdent et se complètent. Et puis au moindre doute on demande aux éditrices bien sûr ^^

Beorn : Et ensuite, comment se passait la sélection au sein des éditions Mnémos ?

Edhelw : Les directeurs d'ouvrages analysent la pile de manuscrits pré-sélectionnés afin de faire l'ultime sélection. Souvent ils demandent un avis supplémentaire à d'autres personnes du milieu de l'édition avant de se décider... mais le choix n'est pas très difficile, souvent cela apparaît comme une évidence. Mais cela va changer sous peu ;)

Beorn : Dans quel sens ?

Edhelw : Mnémos chamboule toute son organisation depuis quelques mois : nouvelle équipe, nouveau site, etc. Un comité de lecture permanent est en train d'être créé... Et j'ai l'honneur d'en faire partie :)

Beorn : Félicitations ! Autre question : quand tu sélectionnais un manuscrit, tu rédigeais une note ?

Edhelw : Chaque manuscrit avait une note, plus ou moins détaillée selon l'intérêt du manuscrit. Les manuscrits pré-sélectionnés ont carrément une fiche de lecture.

Beorn : "Fiche de lecture", ce sont des mots qui font rêver... Et que mettais-tu dans cette fiche ?

Edhelw : Un résumé du scénario, les points forts/faibles (objectivement), et l'impression qu'il nous a laissé (tout à fait subjective bien entendu).

Beorn : Dis donc, tu te souviendrais par hasard des points forts de La Pucelle ? (les points faibles, dis les moi au creux de l'oreille, mais pas trop fort)

Eldhelw : Le point fort : l'écriture. Et puis l'originalité bien sûr ! (la perle et son caractère bien trempé par exemple)

 

That's all, folks ! Un grand merci, dame Eddhelwen, et bonne route dans le monde de l'édition SFFF ! (ce que je souhaite aussi à tonton Beorn, hum hum, soit dit en passant)

[Je complète cette interview par une question que je suis allé poser à Claire Couturier (directrice d'ouvrage chez Mnémos) : "qu'est-ce que vous regardez en premier pour vous faire une idée d'un manuscrit ?" et la réponse a été immédiate : "les dialogues !" Bien que ce ne soit pas une réponse d'Edhelwen, je place cette information ici, c'est toujours intéressant, non ?] 

15/05/2010

Interview : celle par qui La Pucelle passa le "premier tri" (1)

Ce soir, en exclusivité sur Tonton Beorn TV, une interview spéciale de « Edhelwen ». Vous ne savez pas qui c'est ? Haha. C'est la dame de l'ombre, la cheville ouvrière de l'édition, elle fut... stagiaire chez Mnémos ! Elle participa au premier tri des manuscrits ! Elle fut celle par qui La Pucelle fut d'abord lue et choisie !

Quelques questions s'imposent sur cette expérience, non ? Moi en tout cas, quand je l'ai rencontrée, j'en avais un millier à lui poser.

 

Beorn : Bienvenue sur radio Tonton, Edhelw, et merci de répondre à quelques questions (promis, il n'y aura pas de piège). Commençons : qu'est-ce qui t'a fait choisir Mnémos pour faire ton stage, et combien de temps es-tu restée ?

Edhelw : Alors... c'est une longue histoire. Pour faire bref : je devais faire un dossier pour la fac sur le métier d'éditeur. Me voilà donc au milieu du Salon du livre, cherchant désespérément un gentil éditeur à interroger. Gilles Dumay (de Denoël) accepta d'être interviewé, puis il me conseilla de rencontrer Célia Chazel, à Mnémos. Le courant est vraiment bien passé, je suis repartie de là-bas avec un livre sous le bras et une info importante : Mnémos prend régulièrement des stagiaires. Deux ans plus tard, j'ai de nouveau frappé à sa porte et j'ai eu la chance d'y rester trois mois.

Beorn : Quelle formation as-tu et quels sont tes projets, à présent ?

Edhelw : J'ai une licence de lettres modernes et un master professionnel "Métiers de l'écrit et de l'édition" (enfin, je dois le soutenir en septembre prochain). Je commence bientôt un long stage (toujours en littérature de l'imaginaire), avant de rentrer définitivement dans le monde du travail.

Beorn : Quel était ton travail au cours de ce premier stage chez Mnémos ? As-tu contribué à ce qu'on appelle « le premier tri » des manuscrits ?

Edhelw : En effet, c'était clairement ma "mission" pendant trois mois. Lorsque je suis arrivée, Mnémos avait beaucoup de retard au niveau des manuscrits... du coup j'y ai consacré 90% de mon temps. Mais j'ai également prêté main forte sur la communication, et j'ai fait quelques travaux de correction.

Beorn : Comment ça se passait, ce tri ? Tu étais chez toi ? Toute seule ? Avais-tu des instructions en particulier ? Tu en as regardé combien ?

Edhelw : Non j'étais dans les bureaux de Mnémos à Paris en compagnie de Célia Chazel et Claire Couturier. Je faisais face à une véritable montagne de papier qui augmentait chaque jour.
Au début cela fait peur, on craint de laisser passer LE manuscrit en or. Et puis Célia m'a expliqué que sur 100 manuscrits, un seul environ serait publié... et que celui-ci serait un véritable coup de cœur. En fait c'est un peu le système du coup de foudre :p
En trois mois, j'ai étudié un peu plus de 200 manuscrits.

Beorn : Argh, ça fait peur. Et des coups de foudre, tu en as eu, finalement ?

Edhelw : Oui !!! J'en ai eu 4 ^^
Le premier : le manuscrit de L'Ange blond de Laurent Poujois (qui a été publié depuis).
Le second : un manuscrit de Frédéric Delmeulle (qui sera publié en juin).
Le troisième : Opale de Bénédicte Taffin... malheureusement il ne correspondait pas à la ligne éditoriale de Mnémos. Je fus vraiment heureuse quand elle m'a appris qu'elle serait finalement chez Gallimard !
Et le dernier... et bien ce fut la Pucelle ;)

Beorn : Qu'est-ce qui te rebutait au premier abord, dans un manuscrit ?

Edhelw : Sans hésitation : les maladresses d'écriture.
Et puis après bien sûr le manque d'originalité...

Beorn : Avant d'en choisir un, te posais-tu beaucoup de questions ou est-ce que c'était une évidence à chaque fois au premier coup d'œil ? C'était : "celui-là, il illumine toute la pièce quand on l'ouvre" ou plutôt "pt'êt' bien que oui, pt'êt' bien que non" ?

Edhelw : Eh bien pour les quatre cités c'était absolument une évidence ! On les dévore, on y pense en rentrant chez soi et on a qu'une hâte : continuer de les lire le lendemain matin !
Après il y a beaucoup de "mouais... peut-être... on peut pas dire que c'est mauvais..." Pour cette catégorie il fallait systématiquement plusieurs avis. Mais en général s'il n'y a pas de coup de cœur immédiat, ils ne seront malheureusement pas retenus.

Beorn : Si tu devais ne retenir une seule chose qui t'aurait surprise dans ce stage, qu'est-ce que ce serait ?

Edhelw : Cela ne m'a pas tellement surprise, mais c'est vraiment agréable de constater que tout le monde est véritablement passionné par ce qu'il fait.
Et puis sinon je n'aurais jamais pensé que les français écrivaient autant !

(la suite au prochain épisode ; laissons-la souffler un peu)

03/05/2010

La genèse de l'illustration : secrets et chuchotis

Pour répondre au commentaire de Oph sur l'illustration, voilà comment se sont passées les choses dans les grandes lignes.

Pour bien mettre les choses au clair, je rappelle que le contrat entre l'auteur et l'éditeur ne porte que sur le texte. La couverture fait partie du domaine réservé de l'éditeur. Les juristes qui en auront le temps pourront rétorquer que l'auteur peut quand même protester si la couverture porte atteinte à son image (si on le fait passer pour un nazi ou un violeur ou je ne sais quoi) mais en dehors de ce cas extrême et rarissime, il n'a qu'à fermer sa g... sa petite bouche flûtée.

Ma directrice d'ouvrage (loué soit son nom) est très disponible et je peux discuter de tous les sujets avec elle. Très vite, nous avons donc fatalement abordé le sujet de l'illustration. Elle m'a assuré qu'elle me laisserait donner mon avis et que c'était un travail à 3. Par exemple, je ne voulais pas que Jéhanne tienne une arme à la main, parce que zut, ce n'est pas une guerrière. Elle m'a répondu que dans ce cas, il n'y en aurait pas.

Cependant, il y avait des contraintes :

1) Mnémos s'est doté d'une charte graphique, qui, depuis peu, impose qu'un personnage soit impérativement placé au premier plan. Cela était non négociable.

2) Puis Mnémos a choisi Julien Delval pour la couverture de La Pucelle et cela n'était pas non plus négociable. Il ne m'est pas venu une seconde à l'idée de le négocier d'ailleurs : Julien Delval, c'était une sacrée chance pour moi.

3) Le roman est classé en « fantasy » et ma directrice d'ouvrage (le destin l'ait en sa garde) voulait lui donner une image susceptible de séduire à la fois un public « mainstream » -amateur du genre- et un public exigeant -peu amateur de fantasy ou demandant plus d'originalité. La couverture devait donc refléter ces deux aspects. Hum, simple, non ?

Bon.

Plusieurs semaines se sont passées sans nouvelles particulières. Puis j'ai reçu un mail de ma directrice d'ouvrage (bénie soit sa descendance sur sept générations) avec un premier crayonné. Elle me demandait ce que j'en pensais et j'avais à peu près 24 heures pour me prononcer. J'étais ravi qu'on me demande mon avis (merci, ô ma directrice d'ouvrage adorée !). Apparemment, Julien Delval n'avait pas eu d'instructions particulières pour la scène qu'il allait illustrer, il a donc choisi le décor et la posture du personnage.

Je n'ai pas commenté l'aspect technique du dessin car je n'ai aucune compétence en la matière et tout cela me paraissait très bon. En revanche, je connaissais bien mon roman et j'ai pointé deux ou trois éléments qui ne convenaient pas, selon moi : j'ai demandé à remplacer la poignée de l'épée par une poignée de sabre, et surtout à ce que la scène se passe de nuit, car l'action prend place dans une ville dont le soleil a disparu. J'ai aussi suggéré qu'on ôte l'armure -mais là, on m'a dit que j'abusais et que ça devait rester « mainstream ».

Ma directrice d'ouvrage (je l'aime, je l'ai déjà dit ?), quant à elle, trouvait que le visage de Jéhanne était trop « moderne » et lui préférait une image de « madone ». Je l'ai approuvée sur ce point, d'autant que je trouvais que le personnage était trop proche de Jeanne d'Arc.

Notez que j'ai discuté et négocié chaque point avec ma directrice d'ouvrage (bénie soit-elle, euh, j'en fais trop, là ?) mais jamais avec l'illustrateur lui-même.

Le résultat, comme vous le voyez, est un mélange de nos trois visions du roman exécuté par la main de l'artiste. Attention, cette négociation avec l'auteur n'est pas forcément une règle dans le milieu. Au salon du livre, Julien Delval a été interviewé par un journaliste et on lui a posé la question fatale : quelle part prend généralement l'auteur dans la création de la couverture d'un roman ? La réponse fut sans appel : elle est nulle. C'est un dialogue entre l'éditeur et l'illustrateur, point.

Franchement... j'ai eu de la chance.