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15/05/2010

Interview : celle par qui La Pucelle passa le "premier tri" (1)

Ce soir, en exclusivité sur Tonton Beorn TV, une interview spéciale de « Edhelwen ». Vous ne savez pas qui c'est ? Haha. C'est la dame de l'ombre, la cheville ouvrière de l'édition, elle fut... stagiaire chez Mnémos ! Elle participa au premier tri des manuscrits ! Elle fut celle par qui La Pucelle fut d'abord lue et choisie !

Quelques questions s'imposent sur cette expérience, non ? Moi en tout cas, quand je l'ai rencontrée, j'en avais un millier à lui poser.

 

Beorn : Bienvenue sur radio Tonton, Edhelw, et merci de répondre à quelques questions (promis, il n'y aura pas de piège). Commençons : qu'est-ce qui t'a fait choisir Mnémos pour faire ton stage, et combien de temps es-tu restée ?

Edhelw : Alors... c'est une longue histoire. Pour faire bref : je devais faire un dossier pour la fac sur le métier d'éditeur. Me voilà donc au milieu du Salon du livre, cherchant désespérément un gentil éditeur à interroger. Gilles Dumay (de Denoël) accepta d'être interviewé, puis il me conseilla de rencontrer Célia Chazel, à Mnémos. Le courant est vraiment bien passé, je suis repartie de là-bas avec un livre sous le bras et une info importante : Mnémos prend régulièrement des stagiaires. Deux ans plus tard, j'ai de nouveau frappé à sa porte et j'ai eu la chance d'y rester trois mois.

Beorn : Quelle formation as-tu et quels sont tes projets, à présent ?

Edhelw : J'ai une licence de lettres modernes et un master professionnel "Métiers de l'écrit et de l'édition" (enfin, je dois le soutenir en septembre prochain). Je commence bientôt un long stage (toujours en littérature de l'imaginaire), avant de rentrer définitivement dans le monde du travail.

Beorn : Quel était ton travail au cours de ce premier stage chez Mnémos ? As-tu contribué à ce qu'on appelle « le premier tri » des manuscrits ?

Edhelw : En effet, c'était clairement ma "mission" pendant trois mois. Lorsque je suis arrivée, Mnémos avait beaucoup de retard au niveau des manuscrits... du coup j'y ai consacré 90% de mon temps. Mais j'ai également prêté main forte sur la communication, et j'ai fait quelques travaux de correction.

Beorn : Comment ça se passait, ce tri ? Tu étais chez toi ? Toute seule ? Avais-tu des instructions en particulier ? Tu en as regardé combien ?

Edhelw : Non j'étais dans les bureaux de Mnémos à Paris en compagnie de Célia Chazel et Claire Couturier. Je faisais face à une véritable montagne de papier qui augmentait chaque jour.
Au début cela fait peur, on craint de laisser passer LE manuscrit en or. Et puis Célia m'a expliqué que sur 100 manuscrits, un seul environ serait publié... et que celui-ci serait un véritable coup de cœur. En fait c'est un peu le système du coup de foudre :p
En trois mois, j'ai étudié un peu plus de 200 manuscrits.

Beorn : Argh, ça fait peur. Et des coups de foudre, tu en as eu, finalement ?

Edhelw : Oui !!! J'en ai eu 4 ^^
Le premier : le manuscrit de L'Ange blond de Laurent Poujois (qui a été publié depuis).
Le second : un manuscrit de Frédéric Delmeulle (qui sera publié en juin).
Le troisième : Opale de Bénédicte Taffin... malheureusement il ne correspondait pas à la ligne éditoriale de Mnémos. Je fus vraiment heureuse quand elle m'a appris qu'elle serait finalement chez Gallimard !
Et le dernier... et bien ce fut la Pucelle ;)

Beorn : Qu'est-ce qui te rebutait au premier abord, dans un manuscrit ?

Edhelw : Sans hésitation : les maladresses d'écriture.
Et puis après bien sûr le manque d'originalité...

Beorn : Avant d'en choisir un, te posais-tu beaucoup de questions ou est-ce que c'était une évidence à chaque fois au premier coup d'œil ? C'était : "celui-là, il illumine toute la pièce quand on l'ouvre" ou plutôt "pt'êt' bien que oui, pt'êt' bien que non" ?

Edhelw : Eh bien pour les quatre cités c'était absolument une évidence ! On les dévore, on y pense en rentrant chez soi et on a qu'une hâte : continuer de les lire le lendemain matin !
Après il y a beaucoup de "mouais... peut-être... on peut pas dire que c'est mauvais..." Pour cette catégorie il fallait systématiquement plusieurs avis. Mais en général s'il n'y a pas de coup de cœur immédiat, ils ne seront malheureusement pas retenus.

Beorn : Si tu devais ne retenir une seule chose qui t'aurait surprise dans ce stage, qu'est-ce que ce serait ?

Edhelw : Cela ne m'a pas tellement surprise, mais c'est vraiment agréable de constater que tout le monde est véritablement passionné par ce qu'il fait.
Et puis sinon je n'aurais jamais pensé que les français écrivaient autant !

(la suite au prochain épisode ; laissons-la souffler un peu)

Commentaires

200 manuscrits, 60 jours de travail...
Un peu plus de 3 manuscrits par jour !
Ca fait peur, quand même...

Écrit par : Etienne | 15/05/2010

A première vue, peut-être, mais en fait non.
J'ai fait ce boulot (avec des nouvelles) et je t'assure qu'on sait très très vite si le manuscrit a une chance ou non.

"Aragornur était un grand guairier très vachement fort que l'épée qui tue... Il été amoureux dingue de l'elfe Grololo, une vraie bombe qui est super fortiche aveq son arc. Mais elle a était enlevé par Méchantosor, le ceigneur des tenebre qui pue."

Hum hum... :o)

Aucun éditeur ne lit tous les manuscrits de la page 1 jusqu'au point final. Ce serait comme de croire que chez Google, toutes les requêtes sont lues par un être humain qui rechercherait les réponses à la main.^^

Je pense qu'on peut éliminer 20 mauvais manuscrits par jour sans trop se fatiguer, et qu'on peut passer une semaine entière sur un bon manuscrit à le lire entièrement, prendre des notes et se demander ce qu'on en fait.

Donc une moyenne de 3 par jour, ça ne veut rien dire, en fait...^^

En tout cas, j'ai été extrêmement surpris en discutant avec Claire Couturier (responsable de communication et directrice d'ouvrages chez Mnémos) de voir que, en lui citant deux ou trois noms d'auteurs amateurs que je connaissais, elle était capable de me dire de quoi parlait leur manuscrit, pourquoi il avait été refusé puis de le sortir immédiatement de l'étagère.

Tous les manuscrits sont étudiés avec attention, du moins chez Mnémos. Même ceux qui ne sont finalement pas retenus.

De toute façon, il n'y a pas de secret : Mnémos publie des premiers romans depuis toujours. C'est donc qu'ils regardent les manuscrits.
En ce qui concernent d'autres maisons, je serais beaucoup moins catégorique...

Écrit par : Beorn | 15/05/2010

Super intéressant cet article Tonton ! Merci !

Écrit par : Barbaso | 15/05/2010

C'est génial cette interview ! Encore une fois : merci Tonton Beorn !

Écrit par : NB | 15/05/2010

"Et puis sinon je n'aurais jamais pensé que les français écrivaient autant !"

*mode langue de vipère enclenché*
C'est pas faute de lire un peu partout des chiffres indiquant qu'une proportion importante de la population écrit ou tente d'écrire, hein.

Cela dit, le principe de cette interview est très sympa, bravo !

Écrit par : Oph | 16/05/2010

J'aurais dû préciser : "écrivaient autant de SFFF" ;)

Surtout quand on voit le peu d'auteurs français présents dans les rayons des Fnac…

Écrit par : Edhelw | 16/05/2010

Edhelw : bienvenue chez moi ! J'ai définitivement paumé mon tapis rouge, mais prends donc le meilleur fauteuil,
enlève tes chaussures, je te prépare un thé à la menthe façon Mnémos !

Oph : un français sur quatre, d'après les sondages, et 10 000 manuscrits arrivent chaque année chez Gallimard... Mais comme dit Edhelw, la plupart des gens ne savent pas écrire correctement "fantasy", alors on aurait pu s'attendre à un peu plus de vide dans la boîte aux lettres de Mnémos (tsss, sale vipère, va).

Et merci NB et Barbaso !

Écrit par : Beorn | 16/05/2010

Je ne sais pas si les français écrivent peu mais, aux USA, l'auto-édition commence à surpasser l'édition classique en terme de production.

C'est dire si l'envie d'écrire est là.

La qualité, c'est un autre élément.
La qualité vendable dans ses collections d'éditeur, encore un autre. (Cf. Opale de Bénédicte Taffin.)

Quant à savoir combien on peut trier de manuscrits dans une journée, amusez-vous à passer une matinée dans une librairie (ou une bibliothèque) et commencez à faire des tas de ce que vous aimez, de ce que vous emporteriez sur l'heure si c'était possible et de ce que vous achèteriez sans hésiter (avec 200 euros, 10 bouquins, pour limiter votre calendrier).

Restera... le reste !

On se rend compte, alors, qu'on a une fabuleuse capacité à trier en soi.

Et, dans ce cas, il s'agit de livres déjà publiés !

Que dire de livres avec "Aragornur", à l'épée qui arrache les moufles de Groslolo !

Trop facile dans ce cas.

Bien Amicalement
L'Amibe_R Nard

Écrit par : Amibe_R Nard | 17/05/2010

Merci de ton invitation Beorn ;)
L'expérience était très sympa, j'ai hâte de pouvoir papoter plus longuement et en vrai à Epinal !

Et à Mnémos on est plus thé vert que thé à la menthe au fait :p

Écrit par : Edhelw | 17/05/2010

L'Amibe : excellente manière de faire voir les choses. Je la retiens et je la ressortirai à l'occasion.^^

Edhelw : Merci à toi, surtout et... Ouiiii ! Vivement Epinal ! (même si le thé vert, ce n'est pas ma tasse à moi)

Écrit par : Beorn | 19/05/2010

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