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28/01/2009

Ce que j'aime dans vos textes

Ce que j'aime dans vos textes


Après "ce que je déteste dans vos textes", je me lance dans l’exercice inverse : "ce que j‘aime dans vos textes", ce qui est sacrément plus coton, vous en conviendrez, eh eh, c’est toujours plus facile de critiquer que de se coller à la barre.
Ce sera moins précis, ce sera plus souvent sous forme de métaphores obscures, mais j’ai fait ce que j’ai pu.

Attention, c’est sans doute encore plus personnel que l’autre article : c’est juste ce que j’aime, moi, Beorn, 31 ans et trois dents de sagesse.

Si certains peuvent y trouver des pistes pour s'améliorer, tant mieux. Pour les autres, contredisez-moi, complétez, surenchérissez, ne soyez pas timide.


Ce que j’aime, donc :

J’aime des dialogues riches.

1) Quand les personnages parlent, l’auteur n’a même pas besoin de mettre « fit Saint George » à la fin, parce que c’est évident que c’est Saint George qui parle.
Pourquoi ?
Parce que Saint-George parle comme ça, voyez : « Montez en croupe, belle damoiselle. »
Et quand Bécassine lui répond, on sait que c’est Bécassine, parce que quand elle parle, c’est pour dire : « Jamais de la vie, goujat ! ça vous fait des galanteries par devant et ça vous trousse les filles au coin d’un bois ! »
Franchement, a-t-on besoin d’ajouter « répondit-elle » ?

Désolé, j’improvise, ce n’est pas peut-être pas génial, mais c’est l’idée.

2) quand ils parlent, les gens, eh bien on s’amuse, on tend l’oreille.
Les dialogues, c’est vivant : les personnages s’énervent, ils s’émeuvent, ils se tombent dans les bras ou se mettent une main aux fesses, ou une gifle sur la joue. Ils se répondent à côté de la plaque, ils ne s’intéressent pas aux mêmes choses. Il y en a un qui veut parler, l’autre qui rêvasse, un qui a une question brûlante, l’autre qui tourne autour du pot. Il y en un a qui a de l’amour pour l’autre, ou qui le méprise, ou qui le prend pour ce qu’il n’est pas.

Bref un dialogue, ce n’est pas juste un tiret et le narrateur qui rentre de force dans le corps de son personnage, qui lui écarte les mâchoires et qui parle par sa voix. Ça, ça s’appelle un viol de personnage. Ouh, ce n’est pas joli à voir, croyez-moi.

3) J’aime reconnaître une idée ou un thème universel, qui me fait réfléchir.

Mais non, ce n’est pas si difficile : voyez comme le thème de la dépendance (alcool, drogue, tabac, jeu ou toute autre forme de dépendance) est contenu dans le seigneur des anneaux ?
Eh bien, ce genre de chose, ça me plaît.
Ça peut être intime ou ça peut être des thèmes de société comme le racisme, l’exploitation, l’écologie, ça peut être la fraternité, l’amitié, la jalousie… enfin, quelque chose d’universel, caché derrière une magie ou une intrigue un peu originale.
Tiens : « Luke, je suis ton père ! ». C’est le thème du lien filial : nous, moi, vous, votre voisin, sommes-nous des êtres indépendants ou juste le produit de nos parents, destinés à les imiter ?
Et : « Laisse toi envahir par le côté obscur de la force ! ». Je ne dis pas que ce soit renversant, comme trouvaille, mais c’est universel : maîtrisez votre colère, soyez forts sans être mauvais.
Ça ne paye pas de mine, mais ça touche quand même tout le monde. Qui n’a jamais shooté rageusement dans un caillou à la première contrariété ? mmh ?

Ne croyez pas que seuls les écrivains confirmés y parviennent : certains textes de débutants
sont très bons de ce côté là.

4) J’aime un niveau de langage cohérent.

Ça peut être soutenu ou familier, ça peut-être complètement délirant, ça peut être mâtiné de vieux François, ou de patois local… m’en fiche : le tout, c’est que ça reste le même pendant tout le récit.
Si ça change, il faut que ce soit pour une bonne raison (un autre narrateur par exemple).

Je n'ai rien contre un langage soutenu et des mots compliqués (j'adore par exemple "Le dernier des Gris", dans le Dernier Solstice, comment ça, c'est moi qui l'ait écrit?). Le problème, c'est que trop souvent, entre deux mots compliqués, on trouve une tournure familière. Et là, ces pauvres mots compliqués ont l'air soudain ridicules.

5) J’aime une histoire prenante, logique, surprenante et émouvante.

Mais oui, tout ça.
Comment faire ? euh, bonne question.

Quelques points d’interrogations pour savoir si vous êtes sur la bonne voie :
— pouvez-vous visualiser votre personnage ? là, devant vous ? Fermez les yeux. Tendez la main et touchez le, flairez-le du bout du nez, tendez l’oreille, faites le tour et parlez-lui, est-ce qu’il vous répond ? est-ce qu’il est tout gris et plat derrière comme une photo découpée ?
— est-ce que la fin est logique ? Voyez ce que fait une pierre quand vous la jetez devant vous : elle monte, elle suit une trajectoire, puis elle retombe. Est-ce que votre fin est bien au bout de votre trajectoire ? Est-ce qu’elle n’est pas décalée de trois bons mètres ?
— est-ce qu’il y a une idée forte dans votre récit, qui dépasse de toutes les autres et qui est présente du début à la fin ? est-ce que vous pouvez dire, à n’importe quel moment du récit : là, le fil rouge passe par ici. Il est peut-être au second plan parfois (dans un roman, pas dans une nouvelle) mais quand il va revenir en force, on se dira : tiens, oui, il était là tout du long, et le revoilà qui nous fait coucou.
Ex :
dans le Trône de fer : la famille.
Dans Pern : la lutte contre les fils
Dans Autant en emporte le vent : l’amour entre Scarlett et Reth Butler
Etc.

Bon, c’est peut-être un peu obscur tout ça, désolé.

6) J’aime les descriptions « sans grumeau »

Moi, ce que j’aime, c’est que ça vienne tout seul.
Qu’on ne me dise pas : viens, lecteur, en me tirant par la manche et en me montrant une direction du doigt. Regarde par là, abruti !
Il y a mille techniques pour décrire : externe, interne, allégorique, liée au personnage ou pas, et même dialoguée pourquoi pas, du genre
« Tu as vu le balafré avec une tête de tueur ? »
« le grand avec un capuchon et une sorte d’anneau idiot dans le nez ? »
« Il a tourné la tête à notre passage ».
Voyez tout ce qu’on a décrit en trois répliques.

La bonne technique, elle n’existe pas : elles sont toutes bonnes et elles sont toutes mauvaises. J’aime quand c’est varié.

Le tout, c’est que la description ne fasse pas comme un gros grumeau de farine dans un gâteau au chocolat : elle est mélangée, voyez, on ne la sent pas, elle donne du corps sans être fadasse. Elle ne doit jamais laisser voir que votre gâteau, c’est juste trois ou quatre trucs immangeables séparément (en général beurre, sucre, farine, œuf que l’on peut comparer à dialogues, action, descriptions, personnages), que vous avez juste touillés ensemble avec une spatule.

7) La psychologie : j’aime bien voir que l’auteur a appris, au cours de sa vie, que les humains sont des petites choses très très compliquées.

Je veux sentir qu'il en connaît long sur nous-mêmes. Qu’il nous parle bien de nous, qu’il nous respecte dans toute notre complexité, notre folie. Qu’il n’essaye pas de nous faire croire qu’un personnage, c’est un bout de chiffon qu’il peut agiter sous nos yeux et utiliser comme un pion. En croyant qu'on va gober ses singeries.

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Trouver des idées / Construire un plan / Rédiger le texte

Voilà comment je fonctionne, en espérant que ça puisse aider ceux qui se posent les mêmes questions.

1) Trouver des idées

Les idées, il faut les chercher, les faire pousser, les stimuler. Oui, c'est possible. Inutile d'être un génie pour cela, il suffit d'être venu au monde avec un petit peu d'imagination et d'avoir une bonne dose de motivation.

Les idées, on en trouve en lisant (surtout), en se promenant, en discutant, en ouvrant les yeux, bref, surtout pas en restant devant son écran blanc.
Une idée peut commencer minuscule, ce n'est pas grave. Souvent, elle en attire une autre, il faut tout noter.
Une idée, ça peut être une réplique de dialogue, une carte de tarot, un bout de scène, un personnage, un objet bizarre, une phrase choc, un chat vert, ça peut être n'importe quoi.

Très souvent, on s'aperçoit qu'une idée nous entraîne vers un domaine qu'on connaît mal, alors on se renseigne. Se renseigner, ça donne énormément d'autres idées.
Un ex : j'avais imaginé une scène sur un marché, au moyen-âge
d'où question : qu'est-ce qu'on vendait sur les marchés ?
je cherche et je trouve (entre autres) : du maquillage
d'où : c'était quoi le maquillage à l'époque ?
je cherche et je trouve : plein de choses, dont le "blanc de céruse", qui donnait des maladies de peau et le cancer
d'où : tiens ! Et si je créais le personnage d'une marchande qui raconte à tout le monde comme le blanc de céruse donne des maladies ?
d'où : tiens ! Et si les autres marchands essayaient de l'assassiner pour la faire taire, ou payait la garde pour la faire emprisonner ?
d'où : tiens ! et si notre héros était en prison, et rencontrait cette marchande ?
d'où : pourquoi serait-il en prison ? Et s'il avait cherché querelle avec un cousin de sa province, et qu'en fait, le cousin était devenu chef de la garde dans cette cité ?
d'où : et en prison, il va rencontrer quelqu'un d'autre ? Un prisonnier mort, qui aurait un petit animal mystérieux avec lui ?

Bref, se documenter un peu : c'est une mine d'idées.
Et encore, je n'ai pas développé sur le maquillage, mais on aurait pu se demander par où passaient les routes commerciales des produits de maquillage, qui les achetaient (riches, saltimbanques, prostituées etc.) tout cela peut donner des idées. Par exemple, sur le carnet d'adresse de la fameuse marchande (marins, maquerelles, domestiques d'aristocrates etc.)

On laisse bouillonner, on ne s'interdit rien, on note tout ce qui passe, même si ça semble n'avoir aucun rapport.
Les idées sont contagieuses : quand on en a déjà quelques-unes, il faut se forcer à en imaginer d'autres, souvent, une fois dans le bain ça vient tout seul.
Toute idée est bonne à noter (MEME LES CLICHES)
Je le fais avec des numéros :
1) une marchande en prison parce qu'elle a voulu révéler un scandale sur la céruse
2) notre héros en prison pour avoir cherché querelle à son cousin chef de la garde
3) dans la même cellule, un troisième prisonnier vient de mourir, son petit animal familier, un drôle de petit écureuil qui porte une amulette ancienne autour du cou, vient se blottir entre les mains de notre héros.
4) un chat vert

2) le plan

Une fois qu'on a un petit bouquet d'idées (dix, vingt, trente, le plus possible) même si elles n'ont à priori aucun rapport, on essaye de faire des liens entre elles. Parfois, il y en a une qui ne colle pas avec les autres, tant pis, on la laisse de côté, on ne cherche pas à la faire rentrer de force.

Par exemple, j'ai comme idée :
6) le dragon meure en laissant un oeuf.
zut, je n'ai pas de dragon dans mon histoire. Ben voilà, la N°6, je la laisse tomber, ce sera pour une autre histoire.

Une fois qu'on a ces liens entre les idées, c'est comme un jeu de mécano : un petit groupe d'idées, ça permet d'en attirer d'autres.

Petit à petit, il se dessine les grandes lignes d'une histoire qui s'articule scène après scène, avec certaines scènes qu'on visualise assez bien, d'autres pas encore. C'est que j'appelle, moi, un "plan", avec si possible, une fin.

3) la rédaction

Et une fois qu'on a un plan, on peut rédiger. En principe, avec un plan, on est immunisé contre la page blanche (sauf si le plan est mal fait, mais ne pas se décourager : on peut le reprendre, il n'est pas gravé dans le marbre).
Une fois qu'on a ce plan, il ne faut pas trop attendre : commencer à rédiger au calme. Ne jamais s'arrêter quand ça vient tout seul, ne s'arrêter que quand ça bloque, attendre que ça se débloque dans la tête, reprendre. Se forcer à ne pas laisser la rédaction en plan : retourner aux charbons dès que c'est possible, se prendre par la main, se motiver jusqu'à ce qu'on mette ce fichu point final.

Qu'est-ce qu'une bonne idée ?

Qu’est-ce qu’une bonne idée ?

Je me suis longtemps posé la question. En fait, tous les auteurs ont leurs certitudes sur ce point. Ou plutôt, ils ont leurs certitudes ce que c’est qu’une mauvaise idée.

Clichée.
Has been.
Loufoque.
Irréaliste.
Confuse.
Inexploitable.
Trop compliquée.
Déjà vue dans tel ou tel bouquin.
Pas assez drôle, flamboyante, originale.

Mais alors, qu’est-ce c’est, une bonne idée ? Et d’abord, qu’est-ce que c’est, une idée ?

Je me suis trouvé ma petite réponse à moi, vous en penserez ce que vous voudrez. Mais ça m’a ouvert les yeux sur pas mal de certitudes que je croyais solides…

----Une idée, et surtout une bonne idée, c’est d’abord quelque chose qui vous plaît à vous, qui vous inspire, qui vous excite les neurones (ou une autre partie de votre corps, c’est selon l’idée), quelque chose qui va vous donner de la force, de l’envie, de l’énergie pour écrire un texte.
Peut-être pas cette idée là, toute seule dans le vide, mais un ensemble de bonnes idées que vous pouvez lier ensemble.

----Une bonne idée, c’est aussi une idée qui fait des petits, qui se conduit comme le bout de la pelote de laine : la mauvaise idée n’a pas de pelote derrière elle, c’est juste un bout de laine, elle ne vous plaît pas vraiment, ou pas à ce moment de votre vie.
La bonne, elle a une pelote, si possible une grosse qui roule partout et qui s’emberlificote dans tous les coins.
Peut-être que vous laisserez tomber l’idée de base, d’ailleurs, et que vous ne garderez que la pelote…

Il n'y a pas d'étalon universel pour mesurer ce qu'est une bonne ou une mauvaise idée. L'instrument de mesure, c'est vous : ça vous plaît ou ça ne vous plaît pas.

D’accord, une fois que vous avez vos idées, vous pouvez toujours les modifier, les repenser, les tordre et les détordre pour qu’elles passent dans les filtres de vos certitudes (pas trop cliché, pas inexploitable, pas trop confuse etc.), mais ça me fait quand même tirer quelques conclusions intéressantes :

1) N’abandonnez jamais une idée avant d’avoir tiré la pelote ! Halte à l'auto-censure !

Eh oui, on l’a tous fait : sous le vague prétexte que ce n’est pas assez original, par exemple, ou pas réaliste. Ce n’est pas original ? Ce n’est pas réaliste ? Ce n’est pas à la mode ?
Tant pis !
Une seule question compte : ça vous excite, ça vous intéresse, ça vous met le brasier aux entrailles ? Alors basta ! Tirez-moi cette pelote, n’abandonnez pas, n’étouffez pas le feu de la créativité ! Au contraire, jetez-lui du combustible, tout ce qui vous passe par la tête, mélangez votre idée avec d’autres, furetez pour vous documenter, développez votre machin, que ça prenne du poids, de la forme, de la couleur !

2) Ne vous lancez pas dans une idée qui ne vous plaît pas, juste parce que vous pensez que ça va plaire.

Vous pensez que l’écologie est à la mode et vous vous lancez sur ce thème ?
Etes-vous sûr que ça va vous titiller la mitrailleuse à bonnes phrases ?
Pensez-vous que vous aller faire mieux que l’auteur d’à côté, dont c’est le dada, justement ?

Vous croyez qu’en ajoutant un peu de racisme par ici, un peu de mondialisation par là, un peu d’exotisme par ci-chi, vous aurez un roman dans les clous qui va plaire à tout le monde ?
Mais si en fait, vous avez secrètement envie de nous parler de scarabées bleus, de la guerre du Péloponnèse ou de la maladie de Parkinson, est-ce que vous serez bon ailleurs ?
Est-ce que vous n’arriverez pas à toucher et à émerveiller vos lecteurs, même sur un thème qui a priori ne les branche pas spécialement, si votre texte est bien écrit et que ça vient du fond de vos tripes ?
Est-ce que ça ne vaut pas le coup d’être tenté ?

Et puis honnêtement, qu’est-ce que vous avez à perdre ? Il y a un éditeur qui vous a passé commande ? Vous avez un contrat de cinq romans à finir ? Non ? Bon alors…

3) Ne rejetez pas les embryons d’idées.

Il vous en arrive sûrement des tonnes.
Ça fait un petit « toc » dans votre tête quand vous lisez un roman, quand vous regardez un film, et hop, sans même y penser, vous la classez « pas bonne » et vous pensez à autre chose.
Et la malheureuse petite idée ne sortira jamais de l’œuf et ne verra jamais le vaste monde, vous l’aurez oubliée avant même qu’elle soit née, vous n’en aurez même pas eu conscience.

Alors que cet embryon d’idée, il vous plaisait, il vous faisait sourire. Bien sûr, il n’était pas encore exploitable, pas encore une vraie idée, mais… Mais ça commence toujours comme ça, une bonne idée, non ?

Alors soyez en alerte, l’esprit ouvert, gavez-vous de bouquins et de bonnes histoires, parlez, voyagez, faites des tas de choses… Les idées sont en vous, elles sont à vous, elles sont des réactions à tous les signaux que vous recevez du monde.