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10/06/2010

Les répétitions : éradiquer ces bêtes bizarres

Vous êtes peut-être fatigué d'entendre parler de La Pucelle, cher lecteur, et je vous comprends. Ce blog étant fait à l'origine pour discuter de technique d'écriture, revenons un peu à nos moutons. Cette petite malotrue de Jéhanne sera bien capable de retrouver toute seule le chemin de ce blog, lorsqu'elle aura de nouveau une actualité tonitruante à nous faire partager.

Les répétitions, donc... On parle un peu partout sur les forums de ces bêtes bizarres, qui ne sentent pas bon et qu'on ne veut pas chez soi. Je ne vais pas faire de dissertations là-dessus, le sujet est assez rebattu comme ça. En gros, la règle mathématique, ce serait à peu près :

(Nuisance de la répétition) = (rareté du mot répété) X (nombre de répétitions) / (distance entre ces mots)

On peut remplacer « rareté » par « marque que le mot laisse à l'esprit du lecteur » pour être plus précis.

Solutions possibles : le synonyme (attention, à utiliser avec la plus grande prudence), la suppression d'un morceau de phrase, la réécriture du même morceau. Noubliez pas de voir si l'autre occurence de la répétition n'est pas plus facile à éliminer.

Je vais juste rappeler en passant que si une répétition est vraiment insupportable, vérifiez que son remplacement n'est pas encore pire que le mal. Et pour ceux qui ne connaissent pas, je présente l'outil de Gaddy (http://www.gaddy.fr/repetitiondetector/index.php), vraiment trop chouette (même si, comme le correcteur orthographique, ce n'est qu'un outil : ça ne remplace jamais une bonne relecture, ça la complète).

Bien sûr, certaines répétitions sont trop communes pour être gênantes et d'autres sont parfaitement volontaires. Mais même pour celles-là, posez vous la question au moins une fois : ne sont-elles pas de trop ? Décidez ensuite en votre âme et conscience.

Maintenant que les banalités d'usage sont dites, je vais m'attarder sur d'autres formes de répétitions :

1) La répétition d'idées.

Je viens de lire un bouquin ou la même idée était utilisée pour deux descriptions à cent pages d'intervalle. Je ne vais pas reprendre l'exemple exact, je vais en donner un fictif :  « Ses cheveux étaient si longs qu'ils auraient pu lui chatouiller les pieds. »

C'est une idée assez rare pour qu'on ne l'ait jamais vue ailleurs. Ils doivent être drôlement longs, les bougres. Eh bien, il me semble tout à fait gougnafier, de la part d'un auteur, de redire exactement la même chose cent pages plus loin dans une autre description. Mettons, un autre personnage, d'autres cheveux fichtrement longs eux aussi, assez pour chatouiller de pauvres petits pieds. Ne croyez pas que le lecteur oublie ce qu'il a lu, ou plutôt, sachez qu'il oubliera peut-être le plus important mais qu'il retiendra toujours ce que vous aurez voulu cacher sous le tapis.

2) La répétition de tournures de phrase.

Sujet/verbe/complément, c'est bien, c'est simple, ça plaît à tout le monde, c'est comme les spaghettis. Mais les spaghettis à tous les repas, c'est une torture.

Variez les tournures : appositions, participes présents, inversions, impératif... ayez de l'imagination. Pas trop. Ne faites pas n'importe quoi non plus, mais par pitié... PAS DE SPAGHETTIS A TOUS LES REPAS !

3) La répétition de sonorités.

Vous êtes malin, vous avez évité d'employer deux fois les mêmes mots dans votre paragraphe. Mais voilà que vous vous retrouvez avec un « ment/mant » ou un « à a » , un « que / que » ou une allitération en "f"... N'ayez aucune pitié pour votre texte : changez-le.

4) La répétition de procédés narratifs.

Votre héros a échappé aux lépreux en colère en fuyant par les toits en page 120 ? Fort bien. Alors quand il devra trouver un moyen de fausser compagnie aux trolls éméchés en page 310, faites le passer par la porte. Ou la fenêtre de la cuisine. Ou la trappe de la cave. Mais si possible PAS par les toits.

Cet exemple a beau être caricatural, qu'il ne vous empêche pas d'analyser sous le même angle une histoire d'amour ou de révolution.

Commentaires

Répétition de sonorités :

l'Amant ment. :o)))


Pour le 4 (répétition de procédés narratifs), et même pour le reste, une répétition doit être voulue.
Sinon l'auteur ne maîtrise pas son sujet, et le lecteur le voit.

A défaut, son cerveau le voit, et les points d'interrogation du juge interne s'allument les uns derrière les autres. Le sentiment de redite se perçoit, et on note, très vite, que l'auteur n'a pas beaucoup d'imagination.

D'où l'intérêt énorme de bêta-lecteurs.
Ou alors de laisser reposer son texte un long moment. :-)

Bien Amicalement
l'Amibe_R Nard


A noter qu'il est possible de passer par les toits une deuxième fois, pour fuir. Surtout si les trolls éméchés vous ont fait passer au travers des tuiles !!! C'est ce qu'on appelle une circonstance atténuante. A défaut d'être assommante. :o)

Écrit par : Amibe_R Nard | 12/06/2010

Très chouette article, et très vrai.
Ca me rappelle ma dernière lecture où la narratrice de cesse de "tomber à genoux, comme on me l'avait appris", et ça, systématiquement. Et même si ce n'est qu'une fois par chapitre, la redondance devient énervant, à croire que l'auteur prend ses lecteurs pour des idiots ^^;

Écrit par : Celia | 15/06/2010

@ L'Amibe : Parfaitement d'accord ! Lorsqu'on lit un texte, cet endroit de notre cerveau qu'on appelle la conscience n'est pas toujours pleinement averti de la répétition. Mais il y a d'autres endroits dans notre cerveau. Il y a des sensastions, des sentiments diffus, des humeurs...
La répétition fait son oeuvre souterraine : elle lasse. Le lecteur sera peut-être incapable de la voir, mais il en sentira le goût fade sur son palais.

Par ailleurs (je résume ici une intervention très intéressante de Celia sur le forum de CoCyclics), une répétition de petits mots très communs -dans, mais, comme etc.- peut aussi révéler autre chose : un manque de diversité des tournures de phrase, une structure grammaticale qui revient trop souvent, voire une pauvreté du champ lexical... La répétition est alors un symptôme d'un autre problème.

@ Celia : c'est exactement ça... La première fois, tu te dis : "tiens, c'est joliment dit" et la deuxième tu te dis "ah ouais, en fait, il recycle..." ça nous gâche tout : la première fois, la deuxième fois, et parfois le bouquin entier.

Écrit par : Beorn | 15/06/2010

La répétition des mots de liaison, j'en parlais dernièrement avec Jean-Michel Calvez, et nous sommes tombés d'accord sur un point :

Cas d'école.
RepetitionDetector attire ton attention sur le fait qu'on retrouve 50 fois le mot "dans" en dix pages de texte. Bon. C'est sûr, ça fait un peu trop. Alors tu surlignes tes "dans" et tu les attaques.
Eh bien, tu en tueras peut-être dix ou douze, pas plus. Parce qu'on ne peut pas indéfiniment jouer la périphrase, à moins d'alourdir toute la structure et/ou d'aboutir à la répétition d'un mot moins courant.

Au final, "dans" restera dans la première colonne des mots les plus comptabilisés par le génial gadget de Gaddy (ah tiens, ça me fait penser que l'allitération peut aussi être un procédé volontaire, mais passons).

Pourtant, le texte ne sera pas forcément mal écrit, ni les tournures de phrases spécialement répétitives. C'est juste qu'écrire en se passant de "mais", "dans", "pour", ça relève carrément de l'exercice à la Perec (Georges, pas Marie-Jo).

Donc chasser les répétitions, oui, mais il ne faut pas que ça tourne à l'obsession non plus !

Écrit par : Oph | 15/06/2010

Oph : RepetitionDetector, comme son nom l'indique, ne fait que détecter. Ensuite, en tant qu'auteur, c'est à toi de voir si tu élimines ou si tu gardes.
Moi j'avais un texte truffé de "mais" : j'en ai supprimé quelques-uns mais pas beaucoup, parce qu'en fait, cet usage du "mais" correspondait à un niveau de langue que je cherchais et que la plupart du temps, rien ne pouvait les remplacer efficacement.
Donc bien sûr, tu as raison : ne pas chercher la petite bête. Etre conscient du problème, le gérer au mieux, mais ne pas s'obséder...

Surveiller les répétitions, c'est un moyen de rendre le texte plus fort, pas une fin en soi.

Concernant les allitérations : c'est vrai, on peut en rechercher l'effet. Cela se fait beaucoup en poésie ou dans des romans quasi poétiques. Personnellement, dans un roman d'aventure, je pense que c'est une source de darlings. Mais bon, chaque auteur voit midi à sa plume.
(ma directrice d'ouvrage, elle, me les fait systématiquement supprimer)

Écrit par : Beorn | 15/06/2010

@Oph

Le but du jeu n'est pas d'éliminer systématiquement toutes les répétitions...

(surtout pour les petits mots d'usage courant... l'exemple du "dit", plutôt que du "trompette, rugit, s'esclaffe, s'énerve, etc." me semble suffisamment explicatif :-), ou encore les "le, la, les" tout aussi invisibles.)

... mais d'atténuer un effet trop voyant.

50 dans dans dans dans dix pages, c'est beaucoup il est vrai... (l'homme n'en possède que 32, et 28 pour les moins sages. :o) )

En supprimer une douzaine, ça le ramène à une plus juste proportion.

Mais, méééé ? ;-), c'est comme pour les adverbes, on s'aperçoit, souvent, absolument souvent, qu'ils se réunissent, avec fermitude, en troupeaux. Cinq "dans" en dix lignes, ce n'est pas trois par page.

Le pire, pour un lecteur, c'est quand même de se dire : moi, je l'aurais écrit comme ça !
Et de s'apercevoir que sa solution est meilleure !!!
Que la répétition était facile.


Après, entre une périphrase et un petit mot, la règle est d'aller au plus simple.

Si on y a réfléchi, si on n'a pas trouvé mieux (et que les bêta-lecteurs non plus) alors tout est dit. :-)

Bien amicalement
L'Amibe_R Nard

Écrit par : Amibe_R Nard | 16/06/2010

Pour être complet, il faudrait peut-être préciser aussi que toutes les répétitions ne sont pas à éliminer, ce peut être un effet de style et quand il s'agit de sons, ça devient une allitération... Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes, comme disait l'autre !

Écrit par : Luce | 05/07/2010

Tiens ? Bonjour Luce ! D'où que tu viennes, qui que tu sois, bienvenue dans mon igloo !
Voyons voyons, mais tout à fait bien sûr, toutes les répétitions ne sont pas à occire sauvagement, il me semble même l'avoir dit quelque part...
Il y a des répétitions volontaires, il y a des répétitions qui ne dérangent personne. Il y a aussi des Remplacement Anti REpetition (RARE) parfaitement idiots qui vous démolissent un texte.

Quant aux allitérations, nous avons déjà eu cette petite discussion avec Oph et l'Amibe. ;)
Personnellement, je pense que les allitérations sont à éviter dans un roman d'aventure, mais qu'on peut en faire des choses admirable dans un texte à portée plus poétique.

Écrit par : Beorn | 08/07/2010

Et qu'en est-il des romans d'aventure à vocation poétique ? ;)

Cette question de la répétition comme procédé stylistique volontaire peut être à relier à ton article sur les genres littéraires. Ayant découvert ton blog dans la soirée, je viens juste de lire l'article en question et cela m'a fait chaud au coeur car cette classification établie par les libraires (enfin, originellement par ce mécréant d'Aristote ; même mort depuis vingt siècles, il continue d'embêter les écrivains) est justement un de mes gros problèmes, à savoir dans quelle mesure on peut mêler de la poésie (qui est donc bien distincte de la catégorie roman) à ce qui prendra la forme d'un roman vaguement de fantasy, et ce sans que les éditeurs se servent du manuscrit pour faire des économies de PQ.

On pourrait croire que je suis HS là... et d'ailleurs je le suis. Mais (dans mon intérêt :D) je tenais à signaler la possibilité d'unir aventure et poésie, et donc folles allitérations et sonorités en tous genre. Unissons le plaisir des yeux et le plaisir des oreilles !

Hum, voilà, fin de mon plaidoyer.

Je n'ai apporté strictement aucun argument, je n'en ai pas vraiment en fait, je donne juste quelques pistes à ne pas écarter.

Écrit par : Melissinde | 09/02/2011

Bonjour Mellissinde et bienvenue !

Les romans d'aventure à vocation poétique ?
Je n'ai pas d'exemple en tête, mais pourquoi pas, la littérature est un jardin à défricher, on l'explore à mesure qu'on l'invente.
Il y a des romans de fantasy dont le travail sur la langue rappelle une certaine forme de poésie (je pense à Laurent Gidon, à Xavier Mauméjean).

A bas Aristote et vive les plaidoyers sans arguments ! Non mais.

Écrit par : Beorn | 09/02/2011

Bonjour :)

Je suis tombée sur ton blog par hasard, et je suis vraiment ravie d'avoir fait cette découverte ! Ton blog est vraiment très utile et intéressant, de plus j'aime beaucoup la manière dont tu rédiges tes conseils d'écriture :) C'est agréablement personnalisé et on sent ta passion à travers toutes ces lignes. Merci beaucoup en tout cas, pour tout le travail que tu as fait.

J'étais en train de chercher sur le Web comment éviter de faire des répétitions, et ton article m'aide beaucoup. L'outil de Gaddy dont tu parles est vraiment très pratique, merci pour le tuyau ! Le reste de ton article est très bien construit, et je pense que tes conseils sont extrêmement pertinents.

Merci encore, je ne vais pas hésiter à partager tes articles qui peuvent vraiment aider beaucoup d'auteur :)

Écrit par : Because Banana | 11/08/2013

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