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10/04/2009

Le rythme de la phrase et le syndrome de la "fausse note"


Certains lecteurs vous diront qu’ils « sentent » le rythme des mots, qu’ils entendent la « petite musique » du style et que c’est fichtrement important à leurs yeux, mais… Comment fait-on, concrètement, pour attraper cet animal étrange qu’on appelle le « rythme » ?

Eh bien, ce n’est pas si compliqué que cela en a l’air, à mon avis : je soupçonne fort que derrière cette histoire de « rythme », on se préoccupe surtout des « fausses notes ».

Pas de panique : on trouve des légions de musiciens et danseurs qui chantent affreusement faux, il y en a même qui sont incapables de retrouver le « la » sans un téléphone à portée de la main. Et pourtant, ils dansent et ils jouent à merveille. Ils travaillent beaucoup, c'est tout. Pour les auteurs, c’est la même chose : pas besoin d’avoir le « gène du rythme » ou la « bénédiction de la muse », ce qu’il faut avant tout, c’est du travail sérieux. Eh oui.

Mise à part celle que je viens de faire, ne vous attendez donc pas à des révélations fracassantes sur le sujet. Je ne vais pas vous dire comment trouver votre petite musique à vous, en revanche, je peux vous donner quelques exemples de ce qu’il ne faut pas faire. Et là, on en revient à de bons vieux conseils de base sur ce qui « accroche », ce qui « heurte » la lecture, et je donnerais juste quelques pistes qui n'engagent que moi :

1) Je ne saurais trop vous conseiller de bêta-lire les textes des autres : vous y verrez comme de petits grain de sables peuvent gâcher de beaux textes pas encore corrigés ; par la même occasion, trouvez-vous des bêta-lecteurs pour vos textes (et si vous faisiez un petit tour chez Cocyclics [http://cocyclics.org/punBB/index.php], les champions de la bêta-lecture ?).

2) Soignez la cohérence des mots entre eux :
— cohérence des temps des verbes, surtout quand vous jouez sur les flash-back, les récits à la première personne, les prolepses etc. (faute extrêmement courante même chez des auteurs expérimentés, et qui vous gâche le rythme comme une saleté d’interférence vous gâche la radio) ;
— cohérence du niveau de langage : si vous commencez en mode « familier/oral », restez dans ce registre tout du long ; si vous êtes dans du « médiéval », traquez les formules anachroniques ; si vous êtes dans du « distingué/soutenu » ne laissez aucune tournure un tant soit peu orale : ce sont des erreurs EXTREMEMENT fréquentes et qui ruinent toute vélléité de charmer l’oreille du lecteur ;
— cohérence du sens des mots :
Ne cherchez pas à toute force à caser trois mots poétiques pour faire une phrase poétique : si le sens de l’ensemble n’est pas clair, cela n’aura aucune beauté.
Ayez de la rigueur dans vos phrases, chaque verbe doit avoir un sujet clairement identifié, chaque pronom se rapporte à un nom, chaque verbe transitif réclame son COD, chaque métaphore doit être claire, on arrive parfois à des absurdités dissimulées derrière une phrase compliquée. Ne vous y trompez pas : le lecteur ne verra peut-être pas l’incohérence, mais il la ressentira confusément et n’appréciera pas la lecture.

Peut-être certains haussent-ils les épaules et lèvent-ils les yeux au ciel, eh bien ils ont tort : c’est un défaut très répandu, le manque de rigueur.

3) Veillez aussi à la ponctuation, aux lourdeurs, c’est très important pour le rythme :
— vérifiez si vous ne mettez pas trop de virgules, au risque de hacher votre texte,
— voyez de temps en temps si un point ne serait pas le bienvenu,
— ne faites pas de phrases à rallonge à force de « qui qui que que »,
— n’abusez pas des adverbes en « ment » (moi je les aime bien, mais il n’en faut pas trop quand même).

Le rythme est gâché par ce genre de petites choses : une phrase qu’on ne comprend pas, un mot qui détonne parce qu’il n’est pas à sa place, une répétition… enfin bref, toutes ces « fausses notes » qui gâchent la petite musique.

Donc, ne vous cassez pas trop la tête avec le rythme : vous voulez être brillant ? Sachez déjà repérer une erreur, et vous serez sur la bonne voie.

Commentaires

Je ne suis pas d'accord avec toi sur les virgules. Pour moi, ce sont les points qui rendent un texte haché quand il y en a trop. Et je préfère les phrases longues, amples aux phrases courtes, qui justement donnent un rythme saccadé désagréable si ça court sur tout le texte (un passage dans un moment d'action intense ne me dérange pas).
Quant aux adverbes en ment, c'est surtout une question de goût et ils n'ont pas plus d'influence sur le rythme que n'importe quel autre mot.

Écrit par : tsahel | 13/04/2009

Bah, c'est bien possible, je modifie donc légèrement mon texte pour qu'il paraisse moins catégorique sur le sujet.

Ce sont quelques-uns de mes défauts à moi en tout cas : trop de virgules et des phrases trop longues. Et j'ai pu constater que c'était assez répandu (en cours d'écriture, on "entend" le texte plus lentement : les virgules paraissent largement espacées alors qu'en cours de lecture, elles apparaissent beaucoup plus proches les unes des autres) .

Je ne suis pas spécialement fâché avec les "styles à virgules" assumés, mais j'invite chacun à relire ses textes, et s'il s'avère que les virgules y sont nombreuses et les points rares, à se demander si la chose est vraiment volontaire ou s'il s'agit seulement d'un défaut resté jusque là ignoré.

Continuer à se poser toujours des questions, c'est la base de l'apprentissage. ;-)

Écrit par : Beorn | 13/04/2009

Je parlais évidemment de mon ressenti de lectrice pour les virgules et les points. Je suis presque incapable de lire un roman aux phrases très courtes (j'en ai même abandonné rien que pour ça alors que l'intrigue m'intéressait beaucoup)

Écrit par : tsahel | 13/04/2009

J'aime beaucoup cet article et il est fort juste : le style et le rythme tiennent dans chaque mot, il n'y a pas de recette magique si ce n'est une connaissance de la langue et de la littérature toujours plus grande à mon sens. Donc lire, bêta-lire, écrire mais pas écrire bêta !

Écrit par : Barbaso | 14/04/2009

J'ajoute que les problèmes de référent sont le cauchemar du lecteur et sont très dissonnants. :D

Écrit par : Syven | 14/04/2009

Saus vouloir paraître péremptoire, je crois qu'il manque ce qui est, pour moi, la seule manière d'avoir un bon rythme :
Lire le texte à haute voix.

AMHA, peu importe la taille des phrases, le nombre de virgules ou de points. Ce qui compte, c'est le mouvement du texte, qui est intimement lié à la respiration du lecteur. Parfois, il faut des phrases courtes, et le lecteur halète , essoufflé par le suspens. D'autres fois, il faut le laisser respirer en phrases amples. Mais le plus souvent, je trouve que le rythme qui va bien est une alternance des deux. Et en lisant à haute voix, on sent tout de suite où il faut une virgule ou un point.

Pour savoir si un texte "marche bien", il faut pouvoir "écouter" les intonations que l'on prend instinctivement en lisant. Rien de tel pour détecter les ruptures de ton, là où la musique déraille, où l'ambiance se barre...

Et écouter un texte permet aussi de repérer des choses qui n'apparaissent pas de manière flagrante lors d'une béta-lecture normale:
- les allitérations (parfois malvenues)
- les mots différents, (donc pas vraiment des répétitions) mais dont les fins ou les débuts se ressemenblents et créent des "échos", comme des rimes, qui mal placées peuvent flinguer un texte.

Seul problème de cette méthode : on se sent comme une andouille à parler tout seul dans son coin...

Écrit par : Lùani | 22/04/2009

Barbaso : merci ! (écrire bêta, pffff... hihihi)

Syven : ouaip (tu veux parler des pronoms référents ?)

Lùani : Je sais que cette technique de lecture à voix haute est utilisée par certains auteurs (c'était le fameux "gueuloir" de Flaubert...) mais moi, je n'aime pas ça.
Je trouve qu'on ne lit pas de la même manière à l'oral et dans sa tête.

Mais je suis très content que tu l'aies mentionnée dans ton commentaire, comme ça, toutes les tendances seront représentées sur ce blog. :o)

Écrit par : Beorn | 22/04/2009

Elle, assise, détendue, patientait donc tout sourire, sous l'abri bulle. Tapotait des pieds en suivant un rythme bien à elle, résolument éclectique. Suivait la cadence régulière d'un air de jazz imaginaire puis s'emballait dans un rock alternatif, syncopé, pour les pieds. Regardait ses pataugases swinguer joyeusement, en glissant de temps en temps une prunelle classique vers le ciel.

Ton post m'a fait inhumer cet extrait :-) rythme, ponctuation...

Écrit par : kalei | 30/04/2009

Merci de ces précieux conseils Beorn, ça donne matière à méditer ;)

Écrit par : Samantha | 30/04/2009

kalei : argggh ! exhume, exhume ! Je conseille de réfléchir à sa ponctuation, pas d'interdire les textes-à-virgules assumés !
Il est très bon, ton extrait. Rythmé jazz. Il me fait penser à "Un soir au club" de Christian Gailly, tu connais ? Si ce n'est pas le cas, je te le conseille, vu ton style.

Samantha : merci ! ;-)

Écrit par : Beorn | 30/04/2009

Bien vu... Je viens de lire un extrait et je m'y suis sentie bien.

Écrit par : kalei | 30/04/2009

Il est chouette ce roman, j'aurais peut-être dû en parler dans ma note : le rythme est extrêmement musical, on a presque envie de battre la mesure avec ses doigts.

Écrit par : Beorn | 02/05/2009

Un truc génial pour repérer les fausses notes, mais il faut être courageux : la lecture à haute voix.
Si si !

Écrit par : Roanne | 06/08/2009

Parce qu'il y a des personnes qui ne "sentent" pas quand la phrase n'est pas jolie ? C'est comme quand quelqu'un chante faux ou pas en rythme, ça s'"entend" tout de suite, non ?

Mais tu as raison quand tu dis que la seule chose pour que les phrases "sonnent" bien, c'est le travail. C'est comme le solfège, il n'y a pas de mystères.

D'aileurs, Tsahel disait qu'il lui arrivait d'abandonner des livres ayant des problèmes de rythmes, et bien il m'arrive d'en lire juste parce que le rythme est très agréable, alors que l'histoire n'est en elle-même pas particulièrement accrochante. Je continue juste parce que je me sens "chez moi", quand je lis.

Et là encore, c'est comme la musique : on peut écouter une chanson dont on n'aime pas ou ne comprend pas les paroles, juste parce qu'on aime la mélodie, le rythme. Et inversement, on peut écouter une chanson dont on aime le texte, sans particulièrement aimer ce qu'il y a autour.

Mais... C'est quoi le problème avec les verbes en -ment ?
Au passage, chouette blog ^^

Écrit par : Arno | 07/10/2010

Bonjour Arno et bienvenue chez moi ! Un petit punch ?

Il y a des gens qui ne sentent pas le rythme de la phrase, ou alors qui ne sentent pas le même que moi... En tout cas, je n'ai aucune autre explication à fournir à certains succès de librairie... ^^

S'ils sont trop nombreux, les (ad)verbes en "ment" allongent le rythme, ce qui n'est pas toujours souhaitable surtout dans les scènes un peu vives.
Et puis, ils créent des répétitions de "ment", or c'est déjà une sonorité assez fréquente en français.
Mais ce n'est pas une raison pour les supprimer, on est d'accord. Il faut juste s'en méfier.

Et merci ! :)

Écrit par : Beorn | 09/10/2010

Un tit punch ? Je veux bien, merci ^^

Ah ? Drôles de gens qui ne sentent pas le rythme... Quoique, j'ai une copine qui ne doit pas vraiment le sentir, parce qu'elle fait des trucs bizarres avec la ponctuation...

Jamais vraiment remarqué que ça allonge le rythme... M'enfin je n'ai jamais fait attention non plus ^^

Et de rien .

Écrit par : Arno | 10/10/2010

Franchement, je vais la faire courte.

Merci pour tes conseils et ton article, j'aime bien ta façon de développer. Et surtout ta vision de voir les choses, que je partage. Enfin, bref. Ce petit commentaire n'est qu'un remerciement, désolée de ne pas critiquer en profondeur ce que tu as pu écrire. Je vais surement mettre un lien vers tes articles pour mes élèves, car j'ai aimé ce que j'ai lu. C'est utile, je pense.

Bref, bonne continuation, en tout cas.

Écrit par : Whyle | 31/05/2011

Bienvenue sur mon p'tit blog, Whyle, et merci de ton remerciement (et de ton lien, si tu le mets).
Je suis allé voir ton blog et je vois que nous sommes cousins dans nos objectifs et aussi, en effet, dans nos manières de penser l'écriture...
Tu es ici chez toi. :)

Écrit par : Beorn | 31/05/2011

Cet article est très intéressant également, merci beaucoup :)
C'est vrai qu'avant de vouloir insuffler un rythme dans son texte, vérifier s'il n'y a pas de maladresses qui empêcherait de s'installer convenablement est très juste. Tes recommandations sur les confusions sont bien expliquées et très pertinentes, merci ! Ta conclusion est superbe également, très bien trouvée :)

Excuse moi pour le retard de ma réponse, je n'avais pas vu que tu m'avais répondu. Je suis Whyle, j'ai changé de nom pour mon nouveau projet. Je reprends tous mes articles, et pour celui consacré au "Rythme dans la Phrase", tes conseils sont vraiment très intéressants. Encore une fois, je vais les partager, ils sont très utiles :)

Ravie que l'on pense l'écriture d'une manière assez semblable, parce que j'apprécie beaucoup ce que tu fais :)

Bonne continuation, et encore une fois merci pour ton travail et tes articles !

Écrit par : Because Banana | 11/08/2013

Salut Beorn. Merci pour ton article.
Si tu t'adresses aussi aux débutants, je te suggère de souligner l'importance de la typographie, même si c'est évident pour certains.
Il est nécessaire de varier la structure de nos phrases pour acquérir un rythme fluide.

Écrit par : Maspalio | 10/05/2015

Je voulais dire topographie des phrases. Varier nos phrases comme un paysage (plat, vallonné, montagneux etc.)
PARDON PARDON.

Écrit par : Maspalio | 10/05/2015

Bonjour Maspalio et bienvenue par ici. :)
Oui en effet, c'est une très bonne remarque. Varier la structure de la phrase, c'est très important pour garder un texte fluide et harmonieux, qui semble "couler" tout seul.
J'en parle dans d'autres notes, je crois, comme "ce que je déteste dans vos textes".

Écrit par : Beorn | 11/05/2015

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