03/07/2009
Comment rater votre roman en dix leçons
Je ne serai pas le premier à tenter l'exercice, mais il y a quelques points ici qui me tiennent particulièrement à coeur.
1) Lancez-vous dès que vous avez un début d'idée, ne réfléchissez à rien : jetez-vous à l'eau. Si Christophe Colomb était parti avec les cales vides, il serait sûrement arrivé plus vite.
2) Ne vous relisez pas, malheureux ! Il y a des éditeurs pour ça. Vous allez vous abîmer les yeux et les lunettes, c'est moche.
3) Ne lisez rien. Les autres auteurs vont perturber la pureté de votre génie. Tiens d'ailleurs, si vous trouvez des bouquins, entassez-les dans un coin de l'avenue et mettez-y le feu, il paraît que ça rend intelligent.
4) Ne cherchez jamais à vous renseigner sur votre sujet, vous allez vous perdre dans les détails, contentez-vous de vagues clichés. C'est comme quand on part en randonnée, autant prendre une carte de France : vous êtes sûr que votre sentier sera quelque part dessus.
5) Ne demandez jamais l'avis de personne sur votre texte, faites confiance à votre instinct. Votre roman est parfait en tout point. S'il y avait quelque chose à changer, ce serait plutôt ces abrutis de lecteurs.
6) Inutile de persévérer si vous rencontrez la moindre difficulté. Si on vous refuse votre roman, c'est que l'éditeur est un crétin. Et si vous n'arrivez pas à le finir, alors c'est sûrement de la faute du roman.
7) Méprisez vos semblables, ne cherchez pas de conseils, bannissez toute curiosité de votre quotidien. Pour votre esprit, adoptez la stratégie du bonzaï : le moins de terre possible et on coupe toutes les pousses avant qu'elles ne grandissent. C'est joli un bonzaï, non ?
8) Tenez-vous éloigné des dictionnaires, Bescherelles et autres sites de grammaire : si tout le monde pouvait choisir ses propres règles, le Français serait quand même une langue vachement plus simple.
9) Ne tentez pas de vous renouveler, ni de vous améliorer, ni de vous remettre en question : laissez ce genre de faiblesse aux gens dépourvus de génie. Changer d'avis ? Et puis quoi encore, il faudrait changer de chaussettes chaque semaine, aussi ? Peuh... Le talent, c'est comme les pieds, ça doit sentir le jus.
10) Si vous êtes encore là au point 10, c'est que vous n'avez vraiment rien écouté.
Et maintenant, pour me faire pardonner toute cette agressivité, laissez-moi vous faire un câlin et vous dire que si vous n'êtes pas d'accord, je vous trouve formidable. Vous me remontez le moral.
14:21 Publié dans Comment rater votre roman en dix leçons | Lien permanent | Commentaires (28)
Commentaires
J'aime bien le point un, qui serait presque un anti-anti-conseil ! Donc un vrai conseil. :-)
Parfois, il faut se laisser porter par les vents favorables. Sans réfléchir, sans ruminer. Juste porté par le vent.
L'enruminage, c'est pour la suite. Quand on commence vraiment à écrire.
Bien amicalement
l'Amibe_R Nard
Écrit par : Amibe_R Nard | 03/07/2009
Je ne dis pas qu'il faille absolument un plan détaillé. Ni des fiches de personnages. Ni qu'on ne puisse pas improviser, ni même qu'il faille suivre son plan à la lettre si on en a un (Christophe Colomb avait un plan et les choses ont tourné autrement^^). Sur ce point, c'est à chaque auteur sa méthode, voire à chaque roman.
Mais commencer le nez au vent sur un coup de tête sans avoir aucune idée pour la suite, c'est courir à l'échec. Faire tourner ses méninges un minimum me paraît indispensable.
Écrit par : Beorn | 03/07/2009
Le point un m'a fait peur, mais pour le reste ça pourrait passer ;-)
J'ai beaucoup aimé le point huit. Il parait même que les dico transmettent la grippe A/H1N1, si, si ;-)
Et pour ton point dix, si on est encore là et pas à son début de roman, c'est peut-être parce que justement on t'a trop écouté, et qu'on n'ose plus s'y remettre, non ? ;-)
Écrit par : pandora | 04/07/2009
Bienvenue chez tonton Beorn, Pandora ! Prends un siège, mets-toi à l'aise.
Tiens, ce 1) semble poser problème. Bah, avec vos commentaires, on finira bien par voir que tous les points de vue sont dans la nature.
Pour mon point 10), si vraiment je te décourage, Pandora, reviens à la première phrase du point 6) !^^ (et bien sûr, traduis-le...)
En ce qui concerne la grippe, je ne sais pas, mais le virus du dictionnaire, je connais : je me sens mal dès que je vois un mot nouveau ou que j'ai un doute sur l'orthographe. Il me faut aussitôt mon Tamiflu-Petit-Robert.
Écrit par : Beorn | 04/07/2009
So ooooooooooooo Fa aaaaaaaaaaa n !!!
Écrit par : Syven | 06/07/2009
Oh quelle jolie liste !
Je crois que j'ai du obéir à l'intégralité de ces règles au moins une fois dans ma vie ! ^o^ Mais une fois qu'on s'est cassé les dents, autant changer de méthodes :)
Fan
Écrit par : Célia | 06/07/2009
Hourrah ! J'ai mon fan-club, maintenant !!!
Merci les filles, c'est drôlement gentil ; ça me fait des gouzi-gouzi dans le dos.
Bienvenue à Celia, merci d'être passé me voir, j'en suis ravi !
Moi aussi, je suis passé par plusieurs de ces points avant d'en revenir... Alors je sais de quoi je parle ! :o)
Écrit par : Beorn | 07/07/2009
J'aime beaucoup le point 6, il m'a fait beaucoup rire ! Je retiens les leçons en tout cas et je me dis que Cocyclics est vraiment un bon antidote !
bises,
Fan un jour, fan toujours !
Écrit par : Silène | 07/07/2009
Merci Silène !
Et un grand COAH COAH pour les grenouilles de Cocyclics !
Pour les auteurs de SFFF, la mare est vraiment le meilleur antidote à pratiquement toutes ces tentations.
(pour ceux qui ne connaîtraient pas : http://cocyclics.org/punBB/index.php)
Écrit par : Beorn | 08/07/2009
Personnellement, je n'avais rien de bien détaillé en commençant Prélude à l'Aube et j'ai trouvé la rédaction du premier tome plus agréable.
Le seul hic a été qu'au milieu, j'ai dû revenir en arrière et définir un pland détaillé. A partir de cet instant, pour moi, le premier jet est devenu un calvère mais je savais où j'allais. C'est d'ailleurs ce point là qui me gêne. Autant ça me permet d'avoir un récit construit, autant ça me brime.
Un plan, c'est primodial. Ecrire avec un plan, c'est moins "drôle". Je crois que ça résume mon avis... enfin, à peu près.
Sinon, je suis d'accord avec le point 8. Pourquoi ne pas écrire un roman en phonétique ou sms, comme vous voulez. Franchement, nous nous compliquons la vie là! ^^
Écrit par : Tsumire | 10/07/2009
Oui, moi j'écris toujours avec un plan, mais c'est chacun sa
méthode. Il paraît que Fred Vargas, par exemple, écrit sans plan et ma foi, si je pouvais écrire comme Fred Vargas, je serai content.
Il y a un côté "fleur au fusil" ou "nez au vent" qui permet de stimuler l'imagination, donc pourquoi pas.
Cela dit, plan ou pas plan, je ne vois pas comment on peut y arriver si on n'a pas des scènes, des personnages et des thèmes en tête. Ne serait-ce que pour se renseigner et pour développer ses idées.
Mais bon, comme l'Amibe et Pandora n'ont pas l'air d'accord, j'en viens à penser que ce point 1) est juste une opinion personnelle... :o)
Écrit par : Beorn | 10/07/2009
Hola Oh Là !
Ne jetons pas le conseil 1. :-)
De toute façon, il devient vrai dès que l'on veut durer dans son récit
Cependant, plan, pas plan comme tu le dis... (rends ton plan !) aucune importance, puisque la véritable écriture commence à la fin du premier jet. A ce moment précis où tous les éléments doivent concorder, s'ajuster, sans lourdeur, avec un juste équilibre, en compressant les mots, les phrases, le texte lui-même au maximum... pour dire la même chose en mieux.
Et là, à la fin du premier jet, de plan, on en a un ! ;-)))
Ecrire le nez au vent, c'est visiter le potentiel d'un texte.
J'en connais qui écrivent un premier tiers sans plan, sans rien et se pose alors la question fatidique : je poursuis ? (j'ai encore du combustible pour la suite ? de la passion à écrire cette histoire ?)
Si oui, alors ils commencent à planifier la suite de la maison roman... sinon, ils n'ont perdu que quelques jours. Par rapport à des mois de boulot, ça donne à réfléchir l'écriture professionnelle autrement. (professionnelle = dont on vit, survit !)
Or donc, il faut aussi savoir s'abandonner aux rênes de son instinct... certains textes mûrissent dans notre arrière salle imaginaire, et parfois ils s'imposent d'eux-mêmes. On appelle ça un état de grâce ! :-))
Tout vient, tout court, tout galope.
Les mots s'inscrivent avec aisance.
Quitte à déchiqueter le pré-plan établi (qui ne doit jamais être autre chose qu'un guide de premier jet et non un carcan anti-plaisir). Si vous voulez déborder, débordez !
Vous êtes sur un premier jet.
On peut mettre tout ce qu'on veut, dans un premier jet... même sa liste de course pour le lendemain !
Même la musique qui passe en arrière plan, et bien des musiques sont idéales pour écrire des scènes particulières.
Et si les personnages en prennent trop à leur aise, par rapport à votre projet. Vous avez la baguette pour leur taper sur les doigts, on l'appelle : ciseaux !
Vous êtes le maître d'orchestre, celui dont on ne verra que l'ultime mélodie.
Peu importera, alors, votre façon de fabriquer le texte.
Bien Amicalement
L'Amibe_R Nard
Écrit par : Amibe_R Nard | 16/07/2009
Excellent !
Tiens, j'y pense, maintenant que j'ai le haut débit, il faut que je pense à me mettre en favoris des sites de grammaire et conjugaison, ça pourrait m'être utile... (quoique j'écris rarement tout en étant connecté, l'un étant nuisible pour l'autre...).
Écrit par : Roanne | 06/08/2009
Ah ? Le point 3, faut pas faire ? Groumpf ! Pourtant, qu'est-ce que c'est casse pieds les lectures de bons écrivains qui viennent vous perturber dans vos idées et votre style. Et non, je suis pas ironique... Vraiment ? Faut pas ? Hein ? T'es sûr, Tonton ?
Écrit par : Benedicte | 06/08/2009
Bénédicte : oui, ce n'est que mon avis bien sûr, mais je trouve ça indispensable.
Attention, en cours d'écriture, en plein phase de rédaction, il peut être néfaste de lire. Chez certains auteurs, ça peut troubler le style, amener des ruptures de ton dans le roman voire des idées qui viennent bousculer celles qu'on avait en tête.
Mais entre deux projets, pour recharger les batteries de l'inspiration et du style, j'ai toujours pensé qu'il fallait se gaver de bon bouquins.
Écrit par : Beorn | 10/08/2009
Je suis en train de terminer l'écriture de mon premier roman, pour l'édition on verra si c'est possible.
Pour revenir au point 3, je me suis aperçu que depuis que j'écris, je lis différemment les romans, j'y cherche plus ou moins consciemment les trucs et tournures des écrivains.
Écrit par : Pierre-Louis | 22/07/2010
... Quant au point 1, j'ai bien mis un an à cogiter avant de commencer réellement à écrire mon roman.
Malgré tout ça, je ne sais pas si j'ai respecté les 10 commandements. ;-)
Écrit par : Pierre-Louis | 22/07/2010
Bonne chance et tous mes voeux pour ce roman !
Il est vrai qu'écrire nous apprend à lire d'une façon différente. On décortique, on phagocite, on anaylse... C'est à la fois enrichissant et un peu triste, parfois, quand on perd un peu de la magie de la lecture.
Écrit par : Beorn | 09/08/2010
qu'est-ce que c'est casse pieds les lectures de bons écrivains qui viennent vous perturber dans vos idées et votre style. Et non, je suis pas ironique... Vraiment
Écrit par : thomas sabo colares | 28/03/2011
Bienvenue, thoma sabo colares.
Moi, ce qui me casse les pieds et ce qui me perturbe, ce sont les mauvais écrivains. Les bons, ils m'inspirent et ils me nourrissent.
De toute façon, je récuse l'idée du "style propre à chaque écrivain" comme si c'était une chose immuable qui venait du moi profond.
Le style d'un écrivain, ça évolue, c'est un mélange d'influences. Sans influence : pas de mélange, pas de style.
Maintenant, que ça puisse perturber de lire pendant la phase de rédaction d'un roman, oui, peut-être...
Écrit par : Beorn | 06/04/2011
Ahaha ^^ J'adore !
Finalement, ce qui ressort de tout ça, à mon sens, c'est la nécessité de faire preuve d'humilité. A moins d'être un génie, on ne peut pas réinventer la littérature avec un premier roman. Ce qui compte, c'est le travail, le travail et encore le travail...
Écrit par : Sycophante | 03/07/2011
Bonjour Sycophante, bienvenu et ravi de te voir ici !
Exactement ! L'humilité !
La personne qui aurait vraiment écrit ces 10 points en manquerait terriblement. Certes, il ne faut jamais oublier la petite voix du génie qui nous souffle ses idées, mais pour leur donner une chance d'exister un jour, il faut un travail acharné et une perseverance à toute épreuve...
Écrit par : Beorn | 06/07/2011
Merci pour ton accueil ! Oui, la persévérance compte aussi. Un sacré cocktail que ce mélange, mais ça ne me laisse pas un goût amer car tous ces critères permettent finalement une sélection. Même si "la chance" joue un rôle, il n'y a rien de pire que de se comporter en génie incompris...
Écrit par : Sycophante | 06/07/2011
"Le talent, c'est comme les pieds, ça doit sentir le jus."
excellente métaphore !! merci pour ces conseils judicieux et plein d'humour !
Écrit par : ankh | 31/01/2012
Tiens, bienvenue, m'dame Ankh !
ça me fait plaisir de te voir chez moi. :)
Et merci !
Écrit par : Beorn | 31/01/2012
Re.
Je viens de finir le blog (ou presque). D'abord, bravo pour les publications ! Ensuite, merci pour les conseils.
Quand j'étais petite je voulais devenir "écrivanatrice", je ne savais d'ailleurs pas encore lire. Mais, ce n'était pas grave, je voulais quand même faire ce métier, parce que les écrivanateurs, c'est comme Dieu, ça crée des mondes et ça les dirige comme ils peuvent !
Donc, j'ai passé les 25 premières années de ma vie à écrire tout ce qui me passait par la tête. Généralement de longues plaintes sur les amoureux rencontrés et perdus accompagné d'un fracas de pensées adolescentes. Et ce, en abandonnant férocement le projet d'écrire vraiment : quantité de travail, manque de confiance, découverte de certains auteurs "inégalables"...
Me suis inscrite à un cour d'écriture, en septembre, qui m'a débloqué. Mon formateur aime ce que je fais, je le sens. Certes, je suis maladroite, ampoulée, imprécise, etc... Mais, je sens qu'il apprécie quelque chose de ma plume et ça me donne du coeur au ventre. Pour la première fois, je sens que "mes textes" peuvent être autre chose qu'un boulet que j'impose à mes proches. Depuis, je lis sur l'écriture, je passe du temps avec des passionnés, je partage un peu plus mes écrits et... je prends confiance. Je pense que je peux faire quelque chose.
Je me suis attelée à ma première nouvelle. Il y a trois semaines. Mon objectif est simple : faire quelque chose de propre et agréable à lire. Et, coup de bol, j'ai trouvé un concours de nouvelle sur le thème que je travaille, concours qui se clôt en février ! Bref, j'ai même un délais, une vraie stimulation pour les soirées grises où je veux tout foutre à la poubelle.
Donc, une nouvelle, six pages, pas la mer à boire. En fait, si. Et une mer bien salée. C'est comme si je voyais toutes mes limites actuelles :
- le temps monstre qu'il me faut passer sur un misérable paragraphe pour qu'il est le niveau de langage attendu.
- des problèmes de focalisations (sur lesquels ton blog a posé des mots)
- un personnage principal un peu plat, un personnage secondaire caractérisé par un seul trait de caractère.
- des réflexions de fond un peu légère (c'est fou comme dans les textes "libres" on est bien plus malin que dans les textes que l'on veut construit).
Bref, en finissant de lire ton blog, j'arrive à une conclusion : mon texte est largement à reprendre et j'ai un problème avec la notion de premier jet. Le premier jet "doit-il" être rédigé aussi proprement qu'un texte final ou est-ce un "plan rédigé" ?
Je vois les années de travail qui m'attendent, j'ai un peu le vertige, mais j'en comprend la nécessité. Tout ceci est confus, je tenais simplement à te dire "merci", car de tous les blogs que j'ai pu trouver pour m'accompagner un peu, tu es le seul qui me donne envie de "travailler" vraiment à mon texte et d'arrêter de me prendre pour un génie incompris (même par lui-même).
Bonne continuation dans tes romans que les déesses "Muse et Liberté" soit toujours auprès de toi!
Écrit par : M.Gaillard | 27/12/2014
Salut Beorn ! J'ai bien rigolé. Merci pour l'article.
En ce qui concerne le point numéro un, je comprends que certains rechignent à faire un plan. Le plan nous met en face du vide total ou partiel de notre roman. Mais on ne peut pas se reposer sur le style, aussi brillant soit-il :)
Je pense aussi que, dans mon cas, c'était un manque de sérieux dans la pratique et une peur de ne pas avoir d'idées sans écrire.
Un peu de courage et de l'huile de coude !
Merci Beorn !
Écrit par : Maspalio | 15/05/2015
@ M. Gaillard : je m'aperçois, confus, que je suis complètement passé à côté de ton commentaire. Il est bien trop tard pour répondre, mais je te souhaite bonne chance dans ton apprentissage de l'écriture.
@ Maspalio : alors, le point 1) ne parle pas vraiment de plan. Il y a des auteurs et des auteurs sans. En revanche, je pense qu'il faut réfléchir un peu avant de se lancer, s'arrêter deux minutes, se documenter, penser au ton, à ce qu'on veut comme genre d'histoire, etc. Sans forcément faire un plan. :)
Écrit par : Beorn | 18/05/2015
Les commentaires sont fermés.