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11/06/2009

La perte en ligne

Aujourd'hui, un nouveau concept de Tonton Beorn : la perte en ligne.

Ceux qui ouvrent de grands yeux et qui se grattent la tête risquent d'être déçus : je parle d'un phénomène bien connu des auteurs.

Vous parlez en page 4 de la cousine Jeannette qui a un bracelet rouge, et quand en page 345, vous dites qu'on a retrouvé un bracelet rouge au bord de l'étang, le lecteur est censé faire TILT : "le bracelet rouge de la cousine Jeannette !". Et patatra, ce crétin-là ne fait absolument pas tilt, pire, en vous bêta-lisant, il vous écrit en commentaire en page 366 "mais c'est quiiii, cette Jeanneeeette ?".

Et puis attention ! Dans l'autre sens, quand vous lui donnez trop d'indices, quand en page 15 le fameux bracelet tombe dans sa soupe en faisant un gros "splach", quand elle se fait piquer à la caisse de chez Eurodif en page 19 avec trois bracelets rouges dans son sac à main et quand, finalement, elle vomit six bracelets rouges en page 23... Il trouve le toupet de vous dire que vous êtes lourd ! Il faudrait savoir, quand même !

Eh bien, "savoir", c'est précisément l'objet de cette note.

Vous voulez que le lecteur retienne ce que vous lui dites, mais vous ne voulez pas que ça fasse téléphoné, vous voulez qu'il comprenne, mais vous voulez quand même arriver à le surprendre, dites, vous ne seriez pas un peu contradictoire ?

Alors d'abord, ami(e) auteur, sache que le lecteur ne retient que 50% de ce que tu lui dis. Le reste, c'est ce que j'appelle la "perte en ligne", ou, pour les poètes "la part des anges". Si tu veux qu'il retienne un élément important pour la suite, il va falloir l'introduire discrètement mais fermement.

Prenons un quelconque indice au moment T (un bracelet rouge, au hasard) et une scène au moment T+1 où l'indice a une importance majeure et où le lecteur doit faire "tilt".

1) Les lecteurs ne retiennent jamais les mêmes choses, ils sont tous différents, vous allez donc devoir composer avec un "lecteur moyen". Vous n'avez pas idée du peu de choses que ce lecteur moyen va retenir de votre roman. Non seulement six mois plus tard (euh, qui c'est déjà, Tom ? Ah, c'est ton héros ?) mais, et c'est ce qui nous occupe, en cours de lecture.

Evidemment, il y aura toujours des plus malins pour vous dire que c'est lourd et des moins malins qui vous diront qu'ils n'ont rien compris, mais ça, c'est inévitable, tâchez de savoir si ce sont des exceptions ou si c'est un problème dans votre texte.

2) Il y a des passages où le lecteur moyen ne lit qu'à moitié, en survolant : ce sont les passages sans intensité dramatique particulière. Pas de conflit à l'horizon, simple description, discussion apaisée, souvenirs, moments de calme et de repos. Ces passages-là sont nécessaires, mais le lecteur ne retient pas ce qui s'y passe. On ne peut pas lui en vouloir : on se souvient toujours mieux du jour où on a versé le café sur son pantalon que du jour où on se l'est tranquillement versé dans l'estomac.

Dans ces passages à faible intensité dramatique, les informations distillées ont peu de chance d'être retenues. Vous pouvez en inclure, bien sûr, mais soyez conscient que ça ne suffira sûrement pas. Ce seront juste des "pré-indices", vous devrez sûrement y revenir.

3) Il y a des passages où le lecteur est très attentif : un conflit éclate, une tension monte, on attend le moindre signe d'explosion. Chaque phrase est lue avec passion et reste gravée dans sa mémoire. C'est un bon endroit pour placer un indice important pour la suite. Problème : souvent, dans ces moments-là, on manque de place, on ne veut pas ruiner l'ambiance.

4) Pour éviter l'effet de "redite", votre indice ne doit surtout pas avoir une grande importance dans la scène où il est annoncé. Ou alors, il doit servir à totalement autre chose, et en le retrouvant par la suite, le lecteur doit pouvoir se dire "ah oui, le machin qu'on avait vu à la scène T".

5) Plus T et T+1 sont éloignés dans le temps, plus la perte en ligne est importante. C'est une évidence, mais il faut le rappeler. Et ici le temps ne se compte pas en temps du récit (peu importe que le personnage ait vécu deux secondes ou cinquante ans entre les deux) mais en temps de lecture. Et il faut encore tenir compte de ce qui s'est passé : ce temps paraîtra plus long s'il s'est passé des scènes de forte intensité dramatique entretemps.

Pour ceux qui aiment les math, il y a des équations qui se perdent...

Pour les autres, gardez bien ces 50% en mémoire. Ne faites pas trop confiance au lecteur, n'imaginez pas que vos clins d'oeil vont suffire à tout lui faire comprendre. Ne soyez surtout pas lourd, mais n'hésitez pas à corriger votre message de cette "perte en ligne".

10/06/2009

Comment faire aimer votre personnage / Partie V

Vous avez peut-être l'impression, après avoir lu ce qui précède, que je vous suggère sournoisement de fabriquer des Mary-Sue (quelqu'un ignore-t-il encore l'existence du test de Mary-Sue ? http://www.onlyfiction.net/marysue.html).

Dans ce cas, allez voir la note sur les clichés et stéréotypes sur ce blog : les clichés ne sont pas de mauvaises choses, ce qu'il faut éviter, ce sont les caricatures. L'anti Mary-Sue est aussi stupide que le Mary-Sue-isme.

Je comprends qu'on veuille faire un personnage bien à soi, pas nécessairement d'un abord trop facile, mais à moins d'aimer les personnages inodores et sans saveur -c'est un genre, je vous l'accorde, mais moi, je n'aime pas- vous allez quand même devoir passer par quelques-uns des points que j'ai évoqués.

Mais si j'en ai oublié, n'hésitez pas à me le dire !