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04/07/2013

Les dialogues à plusieurs "bandes"

Un bon dialogue, c’est un dialogue où « tout » entre en résonnance. Il fait un joli « tziiiiiiing », vous savez, comme le verre en cristal, quand on tourne son doigt mouillé dessus ?

Oui, je sais, ce n’est pas très explicite.

Par « tout », j’entends que le dialogue doit suivre plusieurs fils à la fois, ou plusieurs bandes, appelez-les comme vous voudrez. On doit pouvoir en faire différentes lectures simultanées.

Ce n’est que mon petit avis à moi, de moi, par moi. Libre à vous de m’envoyer des pistaches à la figure si le cœur vous en dit (j’adore les pistaches).

 

D’abord, un personnage qui parle révèle au lecteur et à son interlocuteur une information utile à la scène : ça, c’est le premier fil, le plus évident, le « premier degré ».

Par exemple :

X : « Tu as peur ? »

Y : « Non, mais j’ai faim. »

Vous savez donc X s’inquiète de savoir si Y a peur. Et que Y affirme que non, mais que, en revanche, il a petit creux. C’est un premier point. Il faut bien commencer par quelque chose.

 

Ensuite, un personnage qui parle révèle sa personnalité ou la renforce aux yeux du lecteur.

X : « Tu as peur ? »

Y : « Non, mais j’ai faim. »

Y n’est pas un trouillard, en revanche, c’est un gros morphalou. Ou peut-être un frimeur.  Ou quelqu’un qui cache sa peur.

Le reste du texte vous a déjà donné des indices sur sa personnalité : ce dialogue la renforce.

 

Et puis, un personnage qui parle révèle ses relations avec les autres personnages : amour, haine, mépris, etc.

X : « Tu as peur ? »

Y : « Non, mais j’ai faim »

X révèle son intérêt pour Y : il veut le protéger, par exemple parce qu’il est son père. Ou le rassurer parce qu’il est amoureux de lui/d’elle. Ou se moquer de lui, car c’est son rival.

Avec le contexte, vous le saurez, et le dialogue « entrera en résonnance » avec cette relation.

 

Et puis, un personnage qui parle révèle une façon de parler ou de penser bien à lui, en rapport avec son histoire ou son milieu social (pas toujours, mais parfois).

X : « Ressens-tu le frisson de la peur ? »

Y : « Non. Ce que je ressens, c’est que j’ai la dalle »

Y révèle une façon de parler familière, peut-être un milieu social mois éduqué. Ce qui peut créer un contraste avec X qui, lui, a un langage plus soutenu.

Hop, cet élément entre en résonnance avec le passé ou l’histoire de chaque personnage.

 

Et puis encore, un personnage qui parle révèle ses propres failles, ses buts. Tout cela va avec sa personnalité, me direz-vous, eh oui, tout s’emmêle, tout entre en résonnance. Je l’ai déjà dit, je crois ? Alors arrêtez de m’interrompre tout le temps, zut quoi.

X « Tu as peur ? »

Y « Non, mais j’ai faim ».

Si Y est un personnage trouillard (si c’est sa faille) ce dialogue montre comment il la traite : il la nie, il la cache par un trait d’humour, il essaye même peut-être de tourner en ridicule ceux qui le mettent à l’épreuve.

 

Et puis, enfin, un personnage qui parle peut révéler les thèmes et les symboles de l’histoire

X : « Tu as peur ? »

Y : « Non, mais j’ai faim »

Y est pâtissier de son état, l’intrigue se déroule dans les cuisines du château, nous sommes à la veille d’un concours international de macarons, le prince a été empoisonné par une tarte aux fraises, nos personnages sont en train de voler dans la réserve de farine d’un concurrent... La réponse de Y fait référence à tout cela, et « entre en résonnance » avec l’univers présenté, la situation et les thèmes principaux.

 

Et voilà !

Enfin, j’en oublie sûrement, j’ai une mémoire de poisson rouge. Mais je pense que vous aurez saisi l’idée : un dialogue raté est souvent un dialogue à une seule bande, plat, coupé du reste, qui n’apporte rien d’autre que lui-même. Au contraire, il doit avoir du relief, il doit exprimer de nombreuses choses à la fois, même en peu de mots.

 

Et comme je suis un tonton plein d’attentions, je vous livre en plus un lien sur l’art d’écrire des dialogues,

En anglais ici : http://blog.nathanbransford.com/2010/09/seven-keys-to-wri...

Traduit en français là : http://tremplinsdelimaginaire.com/cocyclics/phpBB3/viewto...

 

Vous trouverez également la même question, traitée d'une autre manière, dans L'anatomie du scénario de John Truby.

Commentaires

Je dirai même plus :

Et puis encore, un personnage qui parle révèle ses propres failles, ses buts.

Un dialogue pour donner "un" but aux personnages.

Y « Non, mais j’ai faim ».
Voilà un but pour les deux personnages. Une question qui se pose au lecteur : "Y" va-t-il assouvir sa faim ?

Vont-ils se retrouver au restaurant ? Ou chasser ? Ou... se battre à mort pour s'entre-dévorer ! (sur un radeau de désespérés, il peut s'en passer des choses ;-) )

Un tel dialogue, entre deux vampires, prendra aussi un autre sens.

En deux lignes, on peut construire une tension dans le récit, une exigence à résoudre... ou à stopper net !

X : C'est pas le moment, on est en mission.

Mais ce genre de dialogue peut aussi amorcer une autre scène, plus loin dans le récit, où on verra les deux personnages attablés, et X de dire : Alors, toujours faim ?

Ou encore, si la situation actuelle était critique à cet instant, on peut avoir un leitmotiv sur les scènes critiques :
X : Ne me dis pas que tu as encore faim ? C'est vraiment pas le moment !

Le dialogue peut servir de liens entre les scènes, servir de liant dans le canevas du récit.
Tel le tapissier, telle l'araignée, l'auteur tisse sa toile. Les scènes se renvoient l'écho des mots.

Pas obligatoire, bien sûr, cependant les bandes peuvent être à long spectre, voire collantes pour certaines.

Un dialogue ne devrait jamais être inutile.

Bien Amicalement
L'Amibe_R Nard (heureux de voir que tu as un peu de temps pour tailler le bout de... gras ? ou de crayon ? sur les dialogues :-) )

Écrit par : Amibe_R Nard | 06/07/2013

bonjour tonton,
je viens juste de découvrir votre blog ! quelle chance pour moi...Inutile de préciser que j'écris, mal, bien, passable ou génial, selon les jours. Je voulais aussi vous poser une question. Avez vous lu l'unique ouvrage de Rachel Joyce : la lettre aui allait changer la vie d'Harold Fry arriva un mardi ? etc...
Agnèta

Écrit par : Agnèta | 07/07/2013

@ L'Amibe : oui, oui ! merci de tes précisions ! Le dialogue peut servir de leitmotiv et de liant entre les scènes, se répondre d'une scène à l'autre. ça le fait "résonner" encore plus.

@ Agnèta : bonjour et bienvenue sur mon petit chez-moi !
Je n'ai pas lu Rachel Joyce, y trouve-t-on de beaux exemples de dialogues qui résonnent ?
En tout cas, je vous souhaite qu'aujourd'hui soit pour vous un jour "génial". Ecrire une scène dont on est enfin satisfait, c'est un des plus grands bonheurs au monde, non ? :)

Écrit par : Beorn | 17/07/2013

Je ne sais pas si c'est un ressenti subjectif, mais j'ai l'impression qu'écrire de bons dialogues, c'est tout un art. Il existe d'ailleurs des dialoguistes dans le cinéma, qui travaillent avec des scénaristes. En tout cas c'était un article intéressant ;)

Écrit par : Escrocgriffe | 25/09/2013

Tiens, re-beinvenue Escrocgriffe, tu reviens sous un autre nom ? :)
C'est vrai qu'au cinéma, il y a des dialoguistes. Il y a aussi des acteurs, des ingénieurs du son, des spécialistes du montage et de la musique. Nous les auteurs, nous devons tenir tous ces rôles à la fois. :)

Écrit par : Beorn | 26/09/2013

Tiens, re-beinvenue Escrocgriffe, tu reviens sous un autre nom ? :)

Oui, car je blogue désormais ;) En tout cas le cinéma est vraiment une belle métaphore de l'acte d'écrire.

Écrit par : Escrocgriffe | 26/09/2013

Explication très intéressante. J'aime l'image de la "résonance", même si elle peut s'appliquer à toute la narration, et pas uniquement les dialogues ^^

J'ai parfois évité d'écrire des dialogues par peur de ne pas les faire "résonner" (même si je ne m'en rend compte qu'après avoir lu ce post), et d'autres fois, il ne s'agit que d'un babillage tournant autour du pot sans faire avancer le schmilblick.

Maintenant que j'ai une meilleure appréciation de ce qui pourrait les rendre naturels *et* utiles, j'espère pouvoir mieux me servir de cet outil de narration :)

Écrit par : Huitieme | 11/10/2013

Effectivement, l'image de la "résonance" peut s'appliquer à tout le roman ! C'est tout à fait vrai.
Je trouve seulement que dans les dialogues, le manque de résonance se voit encore plus. On croit souvent que, parce que c'est un dialogue, c'est vivant et émouvant, quoi qu'on écrive.
Eh bien non.
Si on passe à côté de son sujet, c'est mortel et ennuyeux comme la pluie, hélas...

Écrit par : Beorn | 15/10/2013

C'est malheureusement vrai une fois encore dans tout le roman ^^

Mais je suis d'accord (décidément), dans les dialogues, on arrive plus facilement à repérer quand l'auteur tourne en rond ou essaie de meubler.

Donc les dialogues, ça ne s'improvise pas autour d'un bon jeu de mots, par exemple, parce que Grudu le barbarien a envie de rabrouer Pimbocha l'elfe des bois.

Pour moi, un autre usage des dialogues se trouve chez Alexandre Dumas (dans la saga des mousquetaires et le comte de Monte-Cristo, notamment). Car les personnages sont bien écrits, certes, mais c'est surtout à travers leurs dialogues qu'on apprend à les aimer. J'ai souvent eu l'impression que les conversations qu'ils tenaient ne faisaient pas vraiment avancer l'histoire et me servaient plutôt à les connaître et à les apprécier.

Bien sûr, le contexte dans lequel ces œuvres ont été écrites n'est pas le même qu'on peut trouver aujourd'hui, mais il est intéressant de noter qu'un autre aspect quand on écrit le dialogue, c'est d'impliquer le lecteur. Après tout, c'est aussi comme ça qu'on se fait des amis, en papotant avec eux :)

Écrit par : Huitieme | 17/10/2013

En fait, Grudu peut bien rabrouer Pimbocha l'elfe des bois, si le dialogue "entre en résonance" avec leur relation, leur but, leurs histoires personnelles etc.
Ce sera d'autant plus drôle que ce dialogue aura de liens avec d'autres aspects du roman.
Je comprends très bien cette idée d'impliquer le lecteur et de le faire découvrir des gens par le dialogue, mais pour moi, ça peut très bien rester dans le cadre des dialogues à plusieurs "bandes".
Un effet très connu, par exemple, c'est le comique de répétition : un truc arrive une fois, ce n'est pas drôle. ça arrive une seconde fois, on sourit. ça arrive une troisième fois, on pouffe un peu. Et si ça arrive une 4ème fois avec une surprise et un décalage, ça peut être très drôle (enfin, hum, c'est le principe en tout cas). Chaque épisode "résonne" avec le précédent.

Écrit par : Beorn | 21/10/2013

Bonjour,

J'ai récemment découvert votre blog via le très bon article dans lequel vous donniez quelques liens utiles pour les écrivains amateurs (http://leblogdetontonbeorn.hautetfort.com/bons-conseils-ailleurs-sur-le-web/). Je le consulte depuis fréquemment, c'est une mine d'informations bonnes à prendre - on y trouve également quelques pépites d'humour, c'est toujours appréciable ;]

Merci pour votre travail et bonne continuation !

Écrit par : Jack | 10/12/2013

Merci Jack, voilà qui me remonte le moral comme un verre de Champagne. :)
Au plaisir de vous revoir ou de vous savoir dans les parages !

Écrit par : Beorn | 10/12/2013

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